La crise est le premier film où Vincent Lindon a le rôle principal, celui d'un homme à la fois plaqué par son épouse et licencié de son cabinet le même jour. Et pire que tout, les personnes à qui il se confie sur cette double peine s'en fichent totalement, excepté un sans-domicile fixe rencontré à un café qui va s'accrocher à lui.
Au départ envisagé pour Patrick Bruel, on n'imagine pas une autre personne que Lindon incarner cet homme hyperactif, angoissé, nerveux, mais qui est tellement dans SON malheur qu'il en oublie les autres, les siens, ses enfants, et sa femme. C'est pour ça que la présence de Patrick Timsit, qui joue cet homme dans la rue, est si importante, car s'il est montré comme un parasite, un profiteur, il est au fond un homme d'une grande gentillesse et d'une empathie dont Lindon semble incapable.
Car au fond, il reste en vie, et quand il revient chez ses parents, sa mère décide de tout plaquer pour vivre avec un homme plus jeune, les enfants d'un proche essaient de le responsabiliser sur l'écologie, et surtout, une proche du personnage de Timsit est en phase terminale d'un cancer et lui assène un message formidable sur le fait de rester positif malgré tout.
J'avoue que je ne pensais pas aimer ce film à ce point car plusieurs films de Coline Serreau que je connais sont souvent bêtes, dont La belle verte qui reste un cauchemar de spectateur. Mais là, elle sort un message au fond très positif, où vivre peu ne consiste pas forcément à vivre mal, mais bien dans sa tête, et au fond, la morale de l'histoire est de lever la tête, car la lumière finit toujours par revenir.
Cela passe par des dialogues vraiment brillants, qui vont à cent à l'heure, et c'est notamment dû aux comédiens, tous formidables, dont on sent une alchimie, un ping-pong verbal qui fonctionne sans arrêt : César du scénario amplement mérité ! Quant à la mise en scène, si elle est par moments assez nerveuse, elle peut être également d'une grande tendresse, comme la marche entre Vincent Lindon et Zabou Breitman, qui joue sa soeur, aux pieds des montagnes. Le film reste encore, près de trente ans plus tard, étonnamment moderne sur la vie haletante en oubliant de profiter de l'instant présent et de l'engagement écologique.
Quant à Vincent Lindon, même s'il fut remarqué pour des rôles secondaires comme dans 37°2 ou Notre histoire, je suis content de savoir que grâce à La crise, il a su exploser et devenir depuis un de nos grands acteurs français. Et avec un film vraiment brillant.