Première fois que j'allais au cinéma non pas pour un film mais plutôt pour un réalisateur. J'avais beaucoup aimé le film de Sfar sur Gainsbourg, puis je me suis un peu renseigné sur le bonhomme, et je dois dire que je l'apprécie bien. Son film d'animation Le chat du rabbin prouve que Sfar a de multiples cordes à son arc. J'attendais donc avec impatience ce troisième film.
Visuellement, c'est vraiment simpa. Joann Sfar vient du milieu de la BD et ça se voit. Rien que l'affiche du film est sacrément stylée, tout en dégageant de la puissance. On se dit qu'on va assister à une de ces histoires de vengeance froide, à la Kill Bill. D'ailleurs, à plusieurs reprises, je me suis surpris à penser à Tarantino (je pense notamment à la présentation du titre dans le film).
Sfar a de bonnes idées concernant les effets visuels et l'esthétisme de son film. Et puis, une belle rousse au volant d'une voiture Thunderbird bleue-vert sillonnant les routes de France, quel tableau !
Si on reprend vite fait l'histoire : Dany, très bien interprétée par Freya Mavor, est une jeune femme rousse très belle, mais qui manque de confiance en elle et qui se laisse facilement marcher sur les pieds dans son boulot. Un peu fleur bleue, son rêve est d'aller voir la mer. Un jour, chargée de ramener la voiture de son patron chez ce dernier après l'avoir déposé à l'aéroport, Dany décide soudainement de prendre le large avec la voiture et de descendre dans le sud de la France. Sauf que sur sa route, les gens lui répètent qu'ils l'ont déjà croisé. Dany n'ayant pas assez de force de caractère pour se persuader elle-même que ce n'est pas elle, le film va amener le spectateur à se demander la raison de tout cela. Dany est-elle folle ou non ?
Visuellement, le personnage de Dany est très accrocheur, à tel point qu'on pourrait la comparer avec l'héroïne de Kill Bill. Dany n'est pas tant au centre de l'histoire (elle l'est mais malgré elle) que du film en lui-même, c'est-à-dire du film pris en tant que d'effilement d'image. Avec sa chevelure rousse, cintrée dans des vêtements vintages, Dany détone dans les paysages ruraux de la France des années 60/70. En plus du simple aspect visuel, le personnage de Dany a un énorme potentiel en terme de charisme. Dany, c'est la magnifique jeune femme en difficulté qu'on a envie d'aider mais dont on ne sait si on résistera à l'attrait des charmes. C'est la flamme, que l'on a envie d'approcher mais à laquelle on sent que l'on va se brûler. C'est donc un personnage très intéressant à traiter.
Cependant, si dans la forme, c'est très simpa, j'ai eu du mal avec le fond, ou plus exactement avec l'alliance du fond et de la forme.
L'un des problèmes du film selon moi, est qu'ils ont trop cherché à dérouter le spectateur. Au risque de le perdre. L'histoire en elle-même est déjà bien déstabilisante pour le spectateur (suivre une héroïne dont on ne sait si ce qu'elle dit ou voit est vrai ou non). Rajouter encore de l'incertitude avec des procédés visuels faits pour souligner la personnalité un peu fragile et instable de Dany, c'était peut-être un peu trop. Cela partait sans doute d'une bonne intention de nous en mettre plein la vue, mais j'ai trouvé cela un peu excessif.
En plus de ça, j'ai trouvé que le film manquait d'enjeux sérieux pendant un bon moment. La lubie de Dany d'aller voir la mer m'a malheureusement laissé de marbre. Alors peut-être qu'en 66, date du roman de Sébastien Japrizot sur lequel est basé le film, ça parlait à plus de gens, j'en sais rien. Mais là j'avoue que non. Peut-être parce que je m'attendais à voir un truc un peu plus badass (pensez donc, une belle rousse avec un fusil, Kill Bill je vous dis).
Et puis, l'importance de la question que doit normalement se poser le spectateur (Dany est-elle folle ou non?) est atténuée par le fait que même Dany s'en fiche un peu. Ben oui, elle tout ce qu'elle veut c'est voir la mer. Fort heureusement pour le spectateur, la route de Dany vers le sud est semée d’embûches pour elle. L'intérêt du spectateur est alors relancé plusieurs fois assez efficacement. Mais c'est pour mieux se fracasser sur une scène finale qui manque cruellement de grandiose et, qui plus est, est gâchée par la performance d'un Benjamin Biolay un peu endormi.
En conclusion, La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil est un film qui confirme que Joann Sfar est un bon metteur en scène avec de bonnes idées. Malheureusement, à vouloir trop dérouter le spectateur, le film perd de son intérêt.