En nous montrant une Margaret Thatcher octogénaire en proie à la maladie d'Alzheimer qui se remémore les épisodes marquants de sa vie, Phyllida Lloyd parvient à escamoter tout ce qui pourrait faire obstacle au portrait complaisant qu'elle dresse de l'ancienne premier ministre du Royaume Uni. Tout le film passe donc par le regard sénile de Maggie, qui croit voir son mari à ses côtés alors qu'il est mort depuis plusieurs années. A grands coups de flashback , de ralentis et de plans subjectifs tarabiscotés, la réalisatrice de Mamma Mia ! voudrait nous faire ressentir « de l'intérieur » le destin d'une femme d'exception ravagée par la vieillesse, censée inspirer la compassion du spectateur. De son adolescence de fille d'épicier dans l'Angleterre en guerre à sa sortie de scène définitive en 1990, le scénario ne retient donc de la vie de Thatcher que les épisodes qui mettent en valeur sa légendaire force de caractère (essentiellement des échanges verbaux musclés avec son entourage) et ses convictions aussi simplistes qu'inébranlables sur les vraies valeurs occidentales, dont la liberté individuelle à n'importe quel prix constitue le fer de lance. De l'Angleterre des années 80, où des dizaines de milliers de travailleurs se sont retrouvés sans emploi «grâce» à la politique ultralibérale de Thatcher, des militants irlandais agonisant comme des bêtes dans leur cellule, des soldats britanniques tués dans l'absurde guerre des Malouines, du démantèlement systématique de la protection sociale, le film ne dit rien ou presque. Un parti pris qui relève de la pure malhonnêteté intellectuelle et non pas d'un humanisme apolitique comme aimerait le faire croire la cinéaste. Le seul intérêt de cette laborieuse hagiographie réside donc dans la prestation mimétique de Meryl Streep qui lui a valu un oscar. On pourrait aussi bien récompenser les maquilleurs , les coiffeurs et les costumiers responsables de ce déguisement qui parvient à rendre la classieuse comédienne aussi ridicule et pitoyable que son modèle.


Critique écrite à la sortie du film.

SteinerEric
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le 31 mai 2024

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Eric Steiner

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