Quand on parle de la filmographie de John Woo, et quand il faut désigner son chef d'œuvre, un titre revient irrémédiablement sur les lèvres: Hardboiled. En général, un deuxième avis sort du bois pour dire que son titre culte est plutôt The Killer. Là, un troisième avis sort du diable vauvert pour affirmer que c'est A bullet in the head qu'il faut vénérer. En général, les trois s'affrontent à coup de massues jusqu'à l'arrivée d'un dernier bonhomme, tout timide et qui, lui, préfère un film qui n'a rien à voir: Last hurrah for chilvalry ...
Alors pour ce petit bonhomme qui se sent peut être bien seul, aujourd'hui je vais causer de ce film que j'ai enfin eu la chance de voir. Je dis enfin car Last hurrah for chivalry est de 1979. Ça date, mais le gros problème, c'est qu'il n'a (d'après IMDB) vu le jour en France qu'en 1999. Vingt de décalage pour découvrir un film, ça aide pas, mais c'est pas ça qui m'arrêtera, surtout qu'on est 2010. Au passage, en France, le titre est La dernière chevalerie ... hum hum, ça démarre fort.
Vas y, vends le ton chef d'œuvre
C'est un film typiquement asiatique, du Wu Xia Pian (film de sabre chinois, c'était l'anecdote culturelle pour briller en soirée). Une histoire simple, qui parle d'amitié, d'intégrité, d'honneur, de vengeance. Un homme, fils d'un père honorable et riche, va se marier avec une prostituée. Cela fait déjà grincer des dents les amis de la famille, mais le fait qu'il l'ait acheté et qu'il ne se cache absolument pas des raisons pratiques pour lesquelles il l'a choisi n'aide pas pas à changer la donne. Malgré les réticences, l'esprit est à la fête (oui, tout le monde se saoule), jusqu'à l'arrivée du chef de clan ennemi ... qui n'y va pas par quatre chemin pour tout foutre en l'air et décimer le marié et tout ce qui se présente devant lui. Évitant de justesse la mort, l'homme se promet de se venger un jour ... le seul problème, c'est qu'il est plus doué pour bouger ses hanches que pour manier une épée. En plus, son maitre refusera de l'aider. Il va alors partir à la recherche de compagnons pour l'aider à accomplir ce qu'il croit être juste ...
Mon dieu comme c'est original, je comprends les 20 ans d'attente pour l'édition française ...
Mauvaise langue ! Ceci n'est que le tout début du film, et la suite prend un chemin bien plus tortueux, beaucoup moins évident que ce que le début laisse présager. J'étais légèrement sceptique au départ, mais je me suis vite fait prendre dans l'évolution des personnages et dans cette successions de symboles et de messages tristes. Donc oui, le scénario est vraiment un des bons points du film.
Woo est connu maintenant pour sa maestria derrière la caméra. Même si ce sont là ses débuts, c'est un plaisir de voir que son talent ne doit rien aux années. Les actions sont très nettes, la lisibilité est maximale, il est impossible de ne pas comprendre qui fait quoi dans les moments les plus intenses. En plus de cela, les couleurs du films sont très ... là je n'ai pas vraiment de mot pour expliquer le ressenti, car il y'a un souci de taille: la date.
Le film étant de 1979, je me doute que le film devait être somptueux à regarder à sa sortie: de grandes étoffes, des contrastes énormes qui rajoute à la barbarie des combats (les effets de sang sont sublimes, je suis complètement fan), des costumes magnifiques. Seulement aujourd'hui, ça a pris un gros coup de vieux. Je ne sais pas si il y'a une bonne édition DVD/Blu ray, avec rehaussage des couleurs/remasterisation de l'image, qui prévaut plus qu'une autre, mais en l'état, seuls les puristes de cinéma, les fan de Woo et les spectateurs avec un certain recul sauront/voudront faire abstraction du poids des années.
Il y'a un autre souci. Woo sait mettre en scène une action intense ET la rendre lisible, mais dans ce film, les scènes sont lisibles car vraiment lentes. Il y'a de quoi être choqué dès la première scène de combat lors du mariage. J'ai vraiment cru que le magnétoscope était bloqué sur une vitesse lente ... le temps de me souvenir que les magnétoscopes sont morts comme les dinosaures et que j'étais sur mon PC. Là encore, cela fera fuir du monde. J'ai eu un doute sur la capacité de Woo à filmer des combats à l'épée, mais après l'apparition d'un autre combattant, je pense qu'il a eu droit à des acteurs peu versés en maitrises des armes blanches, ce qui explique que certaines scènes soient plutôt nazes, et d'autres carrément mirifiques.
Au final, j'imagine sans mal le chef d'œuvre visuel que ce film a pu être en 1979 (il n'a pas rencontré un gros succès commercial pourtant), j'ai beaucoup aimé car il a plus à offrir que son image, mais le coup de vieux qu'il a pris va le réserver à un public d'initié, de fan de Woo ou qui aimera parce qu'il a envie d'aimer.