The Last Detail confond des genres qui d’ordinaire ne sont pas traités ensemble : d’une part le polar en milieu militaire, incarné par deux marins chargés d’escorter jusqu’à la prison un des leurs condamné pour tentative de vol ; d’autre part la comédie de mœurs, puisque les personnages représentent ici un milieu social en contact avec d’autres, qu’ils traversent avec amitié naissante et chamaillerie de dortoirs. Il y a donc ici récit d’apprentissage : Meadows, qui n’avait jusqu’alors qu’une expérience théorique de l’existence, découvre les joies d’appartenir à une bande, de boire des bières et de faire l’amour aux dames.
La mise en scène de Hal Ashby revendique une liberté de mouvements similaire à celle que s’accorde le trio dans les villes-étapes ; elle relève en cela du Nouvel Hollywood, multiplie les séquences de transports ferroviaires comme inscription des protagonistes dans un voyage tout à la fois réaliste et initiatique au terme duquel une camaraderie sincère – mais impossible – aura vu le jour. Le film dénonce ainsi le poids des hiérarchies qui empêche la communication directe entre les individus et tend à faire disparaître le hasard, moteur des aventures ici accomplies ; il rend saillante la rupture entre la rigueur des apparences physiques et la grossièreté permanente du langage, les militaires accumulant les insanités suivant un rapport au monde déformé. Il se plaît alors à représenter ce qui d’ordinaire n’est jamais montré au cinéma, sinon par ellipses ou par sommaires : la distance qui sépare un homme de son incarcération, et les relations qu’il noue avec ceux qui doivent l’y conduire. Un tel postulat rappelle Rio Bravo (1959) de Howard Hawks, sorte de huit clos brillant où se cristallisait l’essence même du western.
The Last Detail bénéficie enfin d’une interprétation soignée, mention spéciale à Jack Nicholson tour à tour bagarreur, blagueur et tendre. Une ballade émouvante, un grand film hélas méconnu.