Avec son premier film, Wes Craven signe sûrement l'un de ses meilleurs. Si son style assez décalé s'affinera et s'affirmera par la suite, on trouve dans La Dernière Maison sur la Gauche l'authenticité de l'amateurisme, ainsi qu'une capacité - due à l'indépendance - à afficher la brutalité et la salacité à l'écran.
La Dernière Maison sur la Gauche emboîte le pas au redoutable Délivrance de John Boorman, sorti un mois plus tôt, et accentue l'aspect horrifique pour aboutir à ce que l'on appellera par la suite le « rape and revenge ». Il s'inspire d'ailleurs directement de La Source de Bergman, sorti douze ans plus tôt, mais est bien plus sale et barbare.
Le premier film de Craven dégouline de vomi, de bave et de sang. Il montre la nudité, l'horreur en gros plans, et nous présente un groupe de tueurs complètement tarés, que je trouve plus réalistes que la famille de Massacre à la Tronçonneuse, et qui paraissent donc d'autant plus dangereux. C'est sûr, La Dernière Maison sur la Gauche est un film très violent pour l'époque.
Pour autant, cette violence n'est pas gratuite. Craven insuffle dans son film des airs de comédie horrifique, ce qui n'est pas du tout banal. Le décalage entre les scènes est renforcé par le montage : tandis que la jeune Mari se fait enlever, ses parents guillerets préparent la fête d'anniversaire. Tandis que les antagonistes commettent viols et meurtres, les policiers, qui servent de fil rouge humoristique, mangent du gâteau et s'empêtrent dans leur galère sur un fond de banjo qui souligne leur incompétence. Si là, il n'y a pas un tant soit peu de dénonciation...
Ce fil rouge n'a aucun autre intérêt que l'ajout d'une touche d'humour, puisqu'à la fin du film les policiers arrivent trop tard, ce qui les rend définitivement inutiles au scénario. Mais il accentue grandement le décalage avec les scènes de tortures avec lesquelles il permute. Le propos est grave, et est parfois traité comme tel, mais il peut aussi être perçu avec dérision, nous accusant ainsi de nous amuser d'une situation ironique alors que des actes abominables se déroulent simultanément, comme l'appuie le montage de Craven.
Je pense que La Dernière Maison sur la Gauche est un grand film amateur. Son amateurisme, qui inclue les mouvements de la caméra instables ou les acteurs parfois outranciers, relève d'une authenticité qui sert totalement son propos. Cet amateurisme reste finalement suffisamment maîtrisé pour rester toujours crédible. Et le génie de Craven résidait peut-être là-dedans.