Pendant ce temps, au large de Walnut Groove
La dernière Piste est un western, car il parle de la conquête de l'Ouest. Il y a de grands espaces, des revolvers, des chariots et un indien. On y tire, on y braque, on y chevauche. Si on ne s'en tient qu'à ces poncifs, la Dernière Piste n'est qu'un western comme un autre. Ce serait pourtant méconnaitre l'originalité du traitement, aussi atypique que réaliste, qui en fait tout son attrait.
On vit, avec "La Dernière Piste", les tous premiers temps de la conquête de l'Ouest sauvage américain (quand l'Oregon ne comptait encore que 250 colons). Et quand je dis "on vit", c'est au sens propre: caméra à hauteur d'homme on marche pendant des kilomètres, sous la chaleur, à coté des bestiaux, sans trop savoir où l'on va. C'est long, c'est pénible, et surtout c'est imprévisible. Il n'y a rien d'autre que de la terre rocheuse et des herbes calcinée. Les plans, qui s'étirent sur de longues minutes, rythmé uniquement par le roulement quasi-incessant des chariots, contribuent à l'immersion du spectateur dans cette petite troupe fragile qui lutte dans une précarité extrême pour gagner son Eden. Les préoccupations sont bien plus prosaïques que dans les westerns "classiques": pourra-t-on boire demain? arrivera-t-on un jour? Où sommes-nous? sont l'essentiel des questions brûlantes que les protagonistes se poseront tout au long du film. Tellement brûlantes qu'elles les pousseront à braver des craintes autrement plus centrales dans le genre Western en général, comme la peur des indiens.
Le métrage exécute donc un mélange original entre le film contemplatif (des paysages, des situations) et le film de survie, qui remet en perspective le genre "Western": quelle en est la valeur réaliste, sinon historique? Sans détour je dirais qu'en comparaison de ce soucis du réalisme, dans la durée ou les dangers à affronter, que propose "La Dernière Piste", j'ai du mal à trouver un équivalent parmi les représentants du genre. On nous aurait menti? Les films de western, aussi brillants soient-ils, ne serait qu'un genre "BD" qui n'aurait finalement rien transmis d'autres que des fantasmes infantiles de cow-boys et d'indiens, de hors-la-lois, et de trésor enfouit dans un cimetière? Sans jugement de valeur sur l'inutilité historique d'un divertissement (j'adore les westerns), il est frappant de voir combien le gouffre est grand entre une description réaliste de la conquête de l'ouest sauvage et ce qu'en raconte le genre comme si, de copie en copie, d'auto-référencement ou de capitalisation sur un genre vieux de bientôt un siècle, le western avait oublié de quoi il parlait vraiment.
Kelly Reichardt vient le rappeler magistralement.