La Passion du Christ
"Je n'ai pas fait ce film pour prouver quoi que ce soit à qui que ce soit". La citation est de Martin Scorsese, cinéaste exaspéré par toutes les polémiques qui ont pu émailler le tournage ou sa...
le 28 juin 2013
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Déjà je dois dire que le titre est superbe. Ce genre de titre choc, évocateur et contradictoire.
Le film est aujourd'hui un classique, une oeuvre du grand maître Scorsese. Pourtant, c'est une oeuvre mal-aimée, polémique, complexe. A vrai dire, Scorsese parvient presque au miracle. Il ne se casse pas trop les dents sur un sujet aussi difficile.
Car le sujet c'est la vie de Jésus, Jésus en tant qu'homme. Mais, plus finement, c'est une lecture théologique très pointue. Beaucoup ont reproché au film d'être un outrage à la religion catholique. Je ne le trouve pas. Je pense même qu'ils ont tord, car ils ont pris pour vraie ce qui apparait être en fait une métaphore symbolique. Je m'explique. La dernière tentation du christ s'inscrit directement dans la lignée des Evangiles. On peut dire que c'est un ajout au récit originel. Mais il suffit de cela pour tomber dans le blasphème diraient certains. Ainsi, on voit un Jésus rongé par le doute et par l'inconnu. Un Dieu lui donne des ordres, allusifs, évasifs. Il les accomplit, malgré lui. Sa nature d'homme est tiraillée entre les plaisirs terrestres, dans une nature magnifique mais aussi cruelle et la transcendance métaphysique et spirituelle. Ainsi, au début, Jésus renie Dieu. Il refuse sa mission. Il espère que sa quête sera annulée. Pourtant, que d'abnégation. Il continue son chemin, ses prières, ses miracles, sans bien les comprendre lui-même. Il est comme guidé par une force supérieure. Il fascine les foules, guérit les malades. Les épisodes de sa vie ont tous lieu conformément au canon de l'Eglise. Plusieurs fois on le tente, plusieurs fois il repousse. Le film distille subtilement des symboles : le serpent, la pomme rouge empoisonnée, des femmes tentatrices, sortes d'Eves pécheresses. Une scène superbe montre Jésus dans le désert. La nuit lui semble une éternité. Dans un monologue intérieur, dans un combat entre son corps et son esprit, il lutte. Apparait le diable, plusieurs fois, sous différentes formes : le pouvoir, le désir, l'immortalité à travers le serpent, le lion et les flammes. Mais Jésus résiste. Il sait qu'il va mourir. Il ne sait pas pourquoi. Mais il accomplit son destin.
Mais, sur la croix, alors qu'il est condamné, un ange lui apparait. Dieu est clément. Pour un homme qui prêchait un Dieu clément, paternel et protecteur et non un Dieu terrifiant et cruel, le message est clair. Il doit vivre. L'ange le fait descendre de la croix. C'est une jeune fille, douce et calme. Il la suit dans une vallée luxuriante où l'attends Marie-Madeleine, la femme qu'il a toujours aimé. Il peut maintenant l'épouser. Mais, elle meurt, subitement, dans la nuit de noce. Jésus va donc voir d'autres femmes et fonde une grande famille. Le voilà qui vieillit. Il croise des prêcheurs qui parlent en son nom, qui revendique la force et le sacrifice de Jésus. Mais ce dernier ne veut pas l'entendre. Il veut vivre. Alors qu'il se fait vieux, sur son lit de mort, ses anciens disciples apparaissent. Judas, celui qui l'avait trahi - mais Jésus lui avait demandé pour accomplir sa destinée de le faire - très belle interprétation de la tradition de Judas, bien que sujette à caution - qualifié par Jésus de fort et de frère, précisément parce que ce qu'il a accomplit est immense pour le salut des hommes, lui fait le reproche d'avoir abandonné, de n'avoir plus foi. Il lui explique que le sacrifice était vain et, à ce moment là, tout Jérusalem brûle et cet ange, qui l'avait enlevé de la crois était en fait le Diable. L'humanité sombre dans le chaos. Jésus, impotent, sort en rampant de sa maison. Il se met à prier Dieu, à lui demander pardon. Et alors, il retourne dans le passé, sur la croix et accepte enfin de mourir pour le salut des hommes. On peut tout à fait interpréter cela comme une métaphore de la vie et comme les pensées d'un homme qui regrette sa vie terrestre lorsque son heure est venue, acculé à la mort, prêt à rejoindre Dieu. On trouve d'ailleurs beaucoup d'interrogations sur la mort, sur la maladie et sur la souffrance dans ce film, mais aussi des interrogations sur l'existence de Dieu même. Au final, la dernière tentation de Jésus permet de renforcer l'évidence même de son existence.
Cela donne considérablement du cachet au personnage de Jésus, immense dans son humanité justement. C'est aussi la métaphore du difficile chemin qui mène à la sainteté. Il n'y a pas de posture déshonorante dans ce film de Jésus. Au contraire, c'est une posture vraie et touchante. L'homme nommé Jésus reste immense, parce que capable de trouver le chemin de la rédemption et du sacrifice et de s'extraire, au terme d'une vie longue et difficile, du monde.
Là où le film pêche en réalité, ce n'est pas tant dans sa dimension théologique et spirituelle mais dans sa réalisation. Le film est assez long, les scènes sont parfois étranges. Mais le tout reste très inventif et assez fascinant. La musique, également, est sublime.
Qu'on arrête de nous bassiner avec les blasphèmes et autres attaques par qu'on touche aux canons de l'Eglise. Et dire qu'on critique l'Islam pour ses postures conservatrices. Non, c'est une oeuvre qui fait honneur à la Bible, je pense, et qui est très riche en termes d'interprétations religieuses. Un film intriguant, fascinant et très complexe, assez difficile d'accès je pense. Je n'ai pas tout compris.
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le 16 avr. 2014
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