France, beau soir des années 70 : l'acteur-réalisateur Daniel Duval entreprend de tourner La Dérobade, adaptation rude et craspec du témoignage romancé d'une ancienne prostituée porté à bout de bras par l'excellente - et résolument incontournable - Miou-Miou, récompensée d'un César pour l'occasion.
Quelques années avant le très théâtral Rosa la Rose, fille publique de Paul Vecchiali le film de Daniel Duval dépeint la prostitution à hauteur de réalité ; portrait d'une époque durant laquelle les violences masculines perpétrées sur les femmes étaient déjà légion - sans que cela ne semble pourtant pas véritablement poser problème - La Dérobade est une oeuvre tour à tour choquante, très efficace et un brin racoleuse dans sa conduction. Ainsi la brutalité subie par le duo de prostituées formé par Miou-Miou et Maria Schneider semble pratiquement réelle, vécue par les actrices : en témoigne cette scène terrible où le tout jeunot Niels Arestrup saccage l'appartement des deux copines après coups et blessures de rigueur... L'ensemble dudit métrage brosse donc une peinture hard et contrastée du milieu du proxénétisme, milieu logiquement représenté par Daniel Duval en personne dans le rôle du maquereau.
Pourtant si Miou-Miou et Maria Schneider s'en tirent admirablement devant la caméra Duval demeure moins convainquant dans la peau du voyou ténébreux aux accès d'humeur incontrôlés sonnant presque faux par instants... Ici le racolage urbain, les voies de fait et les exactions interlopes gangrènent littéralement l'ensemble du film, lui conférant une atmosphère poisseuse et tranchée magnifiquement sublimée par la superbe composition de Vladimir Cosma alors au meilleur de sa forme. La Dérobade reste ainsi une oeuvre de cinéma ouvertement féministe paradoxalement phagocytée par un regard viriliste à resituer impérativement dans son contexte pour en apprécier le cachet. Autant dire qu'une oeuvre de la sorte aurait bien du mal à sortir de nos jours sur un écran de cinéma...