L’effacement
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Deuxième vieux classique chinois en N&B visionné après Le printemps d'une petite ville, la première oeuvre de Wu Yonggang, considérée comme l'un des meilleurs films chinois, est à la hauteur de sa réputation. Le film étant totalement muet (sans musique, donc), j'avais quelques réserves - en tant que cinéphile d'un jeune âge... - mais en fait, c'est ce format qui permet au film de devenir très grand. Car sans dialogues ni aucun autre son, le réalisateur se concentre sur les expressions, naturellement; et alors que les films muets de l'autre côté du Pacifique à la même époque forçaient justement les traits et expressions des acteurs, l'on a ici un film drôlement moderne dans la façon de jouer des acteurs. Ruan Lingyu est - évidemment - partout, raison principale du succès de ce film. Grâce surtout à son visage qui alterne entre un amour sans limites pour son fils et une tristesse profonde quand elle doit affronter les affres de la vie de tous les jours, l'actrice est tout simplement parfaite, sans jamais en faire trop. Après quelques secondes seulement, il est difficile de na pas tomber sous le charme de cette femme, dont le destin funeste est la preuve d'une société pleine de préjugés.
C'est ici le propos principal du film - bien que la femme ne dérange personne et élève son fils bien mieux que la plupart des autres mères (il n'y a qu'à voir le comportement des autres enfants dans la cour de l'école, tous plus cruels les uns que les autres), son métier honteux ne lui permettra jamais de s'intégrer. De plus, la rencontre fortuite du gros bonhomme avide d'argent rendra la vie de la protagoniste encore plus difficile, cette dernière étant obligée de le fuir - sans succès. C'est donc un personnage purement dramatique qui est à l'écran, Ruan Lingyu devant s'occuper de multiples problèmes sans aucune aide extérieure -
elle doit se prostituer pour financer les études de son fils tout en voyant son argent se faire voler par l'homme au chapeau sans pouvoir rien y faire, et alors qu'elle croit avoir atteint un certain équilibre grâce à l'école que fréquente son fils, voilà que les ragots des autres mères poussent le board de l'école à renvoyer son fils, bien que ce dernier soit un élève modèle avide d'apprendre...
Cependant, ce n'est pas un film qui se complaît à voir ses personnages souffrir (contrairement aux films de Park Chan-wook aujourd'hui, par exemple), car malgré tous ces malheurs, la femme réussit à garder espoir, tout cela grâce à son amour total pour son fils. La relation très étroite qui lie la mère et son fils est remarquable de subtilité, Wu Yonggang réussissant à dépicter l'amour de la mère grâce à ses regards pleins de tendresse, tandis que le fils est également très proche de sa mère. Cette relation - très différente des relations familiales actuelles en Chine - est une sorte de rayon de soleil dans une nuit noire, permettant à la femme de ne pas sombrer définitivement - pas encore, du moins.
Car malgré tous les efforts effectués par cette dernière et le proviseur (seule personne l'ayant aidée), le fils est donc renvoyé de l'école. Il y a encore la possibilité de partir à nouveau, mais l'homme au chapeau ayant trouvé la cachette où l'argent de la femme se trouvait, elle ne trouve plus de solution et le tue, donc. L'amour n'aura donc pas triomphé du Mal, principalement représenté par les rumeurs sur le métier de la mère. Malgré des explications très rationnelles du proviseur (et représentatives de la pensée politique du réalisateur), la cruauté aura vaincu la tendresse de la mère. La fin est un signe de cette défaite, bien que teintée d'otpimisme. En effet, le fils s'en sortira, ce qui est tout ce que sa mère souhaitait. Mais à quel prix? Elle ne veut pas que le proviseur (qui l'adopte) ne lui parle d'elle dans le futur, se secrifiant donc pour que son fils puisse avoir une vie normale. Cette fin plutôt noire prouve donc que les apparences sont quasiment impossibles à dépasser, propos vrai à l'époque mais évidemment profondément d'actualité.
Le destin du personnages principal étant aussi bizarrement proche de celui de l'actrice adulée, il y a un parallèle malheureux à faire avec la vie de Ruan Lingyu, qui se suicidera quelques mois plus tard en écrivant dans une lettre: « Que les ragots sont effrayants ! »...
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le 29 juil. 2016
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