Le film fut l'objet d'un énorme scandale à sa sortie, surtout en Italie dans les milieux aristocratiques et ecclésiastiques ; Fellini frôla l'excommunication. Du coup, le succès commercial fut fracassant, il reposait sur un malentendu, mais c'est surtout un tournant décisif dans la carrière du réalisateur déjà considéré comme un cinéaste génial.
Sans se soucier d'une intrigue linéaire, Fellini adopte une structure de tableaux mis bout à bout, des petites historiettes qui se succèdent et dont le dénominateur commun est Marcello, le chroniqueur mondain joué par Mastroianni. Le réalisateur abandonnera peu cette pratique par la suite, si bien que le film peut donner l'illusion d'une oeuvre décousue.
La Douceur de vivre, titre français du film, plus connu sous son titre italien, surprend en 1959 par la crudité de ses descriptions et sa dénonciation des moeurs contemporaines et d'une certaine faune romaine qui se complait dans de folles nuits de débauches. C'est un réquisitoire implacable contre une société mondaine qui ne cherche qu'à s'étourdir dans l'alcool et le sexe.
Le film reste l'exemple le plus parfait d'une mutation dans le cinéma italien à la fin des années 50-début des années 60, qui rejette l'image du néo-réalisme au profit d'une vision plus moderne de la société. Les films suivants de Fellini donneront d'ailleurs libre cours à ses phantasmes étranges, notamment avec Huit et demi ; la Dolce Vita reste à ce titre prophétique, je l'accepte encore dans sa forme, alors que je ne pourrai plus suivre Fellini dans son oeuvre qui deviendra pour moi trop délirante. Marcello Mastroianni est ici une sorte de témoin parmi ce creuset en décomposition, il traverse quelques scènes inoubliables comme celle de la fontaine de Trevi auprès d'Anita Ekberg.
Un portrait tragique, sans hypocrisie ni complaisance.