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Le cinéma de Kieslowski tend toujours à traduire le sens de la vie à l’intérieur d’un portrait individuel, invoquant une destinée inéluctable et des causalités imparables. Cette position entre croyance et logique orientée l’a servi notamment dans des œuvres à caractère social, où le cinéaste dressait le portrait de la société polonaise au travers des habitudes psychiques de ses particules, à la façon de Fassbinder pour l’Allemagne (notamment avec Le Mariage de Maria Braun). Dans d’autres cas et notamment avant la fin de sa carrière, il se concentre strictement sur les êtres ou les éléments et se pose en artiste, esthète virtuose et joueur futile, peut-être un peu trop pour être significatif. C’est le cas de La Double Vie de Véronique, conte sensuel et existentiel, romantique et fataliste où une partition musicale édifiante et une narration en spirale accompagnent les connexions invisibles entre deux êtres.


En effet, le film met en parallèle deux jumelles malgré elles, l’une vivant en Pologne et l’autre en France, l’une subissant les coups de la vie et l’autre les évitant grâce à l’expérience et la garantie de son alter-ego. Ce sont initialement deux ravies de la crèche bientôt emportée par un destin écrasant et omnipotent dont elles sont les pantins abîmés. Et abondamment érotisés par Kieslowski. Tout le long du métrage, nous avons l’impression de marcher sur un fil ; si un manque et une solitude se font sentir chez les personnages, leur contact direct et quasi-inconscient avec leur ange gardien et donc avec la nature de leur présence terrestre dégage un sens manifeste et éclatant. La Double Vie de Véronique se fait ainsi l’illustration de cette croyance diffuse et profonde que quelqu’un est ailleurs qui nous attend, que quelque chose nous guide.


Son caractère extatique ponctué par les effusions sincères de sa double-héroïne lui confère une grâce particulière aussi certainement qu’il le rend figé. Comme une certaine idée de la perfection, comme un cinéma poseur et flottant aussi. Le film réussit une étrange combinaison entre démonstration permanente et discrétion du trait ; en vérité, il saisit l’essence prompte à fournir de justes cartes postales, mélancoliques et simples ; mais pour le reste, il raconte peu de choses et exagère le renfort de détails pour se forger une assise scénaristique. La Double vie de Véronique a été conçu dans une simple visée impressionniste ; aussi, c’est une réussite totale à ce titre et en même temps, tout ce qui n’est pas figuré y est de trop. La plupart des séquences du film où une histoire se joue, et non une représentation, sont sophistiquées et surtout bouffies, comme si le récit ne savait s’approprier le réel sans s’abîmer. Le survoler auprès de l’héroïne, en allant jusqu’à se confondre avec son expérience directe, est beaucoup plus efficace que s’y impliquer aveuglément pour finalement s’y retrouver exsangue. Il apparaît alors à la fois sincère et surfait ; mais c’est justement parce qu’il est à vif tout en restant résolument épuré et concentré sur sa propre tragédie. Cette libération d’émotions vierges permet de ressentir le vide connu par tous ceux qui savent qu’un quelqu’un fait défaut ; pendant ce temps, un substitut de ce quelqu’un assume, sans qu’aucune des deux parties n’en prenne directement conscience, le rôle de béquille et de consolateur opportun.


https://zogarok.wordpress.com/2014/04/11/la-double-vie-de-veronique/

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le 14 avr. 2014

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Zogarok

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