Embarquer le spectateur dans un drame intime, psychique et sentimental, l’interroger, lui faire vivre les rebondissements d'une histoire mystérieuse, l’embarquer dans une aventure intérieure, profonde et sensible - telle est l’ambition de ce film qui, malgré une intrigue prometteuse et plutôt bien ficelée, se vautre dans des artifices assez grossiers qui m’ont fait passer complètement à côté du voyage.
D’emblée, un filtre polarisant omniprésent annonce, justement, la couleur : un jaune criard un peu passé, dont on ne se défera pas pendant une heure et demie. Moi qui ai souvent tendance à penser qu’un filtre réussi, c’est un filtre qui ne se voit pas... Il faudra faire avec pendant une heure et demie. Il faudra aussi s’accommoder d’effets de caméra d’un goût douteux, parfois téléphonés, qui réussissent notamment à rendre a minima gênante, au pire risible, la scène pivot du film - celle du concert-drame de Weronika.
Autre gros point bloquant pour ma part : la bande-son. Dans un film basé sur l’écoute et le silence, où la musique occupe une place si importante dans la vie et la mort des protagonistes... il est quand même fort dommage de se voir servir une bande-son aussi plate et pauvrement composée. Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que celle-ci fut récompensée à sa sortie ! Je ne m’attarderai pas sur le doublage raté des passages chantés/joués - malheureusement le lot de beaucoup de films.
Les dialogues ne viennent rien arranger, plats et souvent attendus au tournant (« Je suis vraiment amoureuse… - Je le connais ? - Non… et moi non plus »). Si la sobriété de cette prose est évidemment recherchée afin de laisser l’histoire se déployer d’elle-même, sa légèreté devient vite assez insoutenable, et le tout semble prendre la pose constamment en se complaisant dans l’effet, pour finalement sonner assez mièvre - comme si chaque phrase prononcée se terminait par des points de suspension... Les acteurs se démènent tant bien que mal à essayer d’en faire quelque chose.
Enfin, comment ne pas mentionner l’omniprésence de symboles en tous genres, censés tantôt faire avancer l’intrigue, tantôt matérialiser les sentiments que le texte et les acteurs nous transmettent en filigrane – le parti pris pourrait fonctionner si, à nouveau, les effets mobilisés n’étaient pas aussi grossiers : la bague frottée à l’œil, les marionnettes figurant les deux Véronique, les vieilles dames, le lacet venant épouser l’électrocardiogramme… on a déjà vu plus subtil.
Dommage donc, car l’intrigue était plutôt séduisante à la base et amenait des questionnements intéressants sur l’identité, la recherche et la construction de soi, le souvenir, et autres éternelles interrogations humaines et philosophiques. Véronique devient-elle Weronika ? L'a-t-elle toujours été ? Est-elle sa propre réminiscence, à la Platon ?
Alors je suis peut-être complètement passé à côté de quelque chose. Peut-être écrirai-je une critique dithyrambique dans quelques années après un nouveau visionnage révélateur, qui sait. Pour l'heure en tout cas, les effets et maniérismes auront eu raison de moi, me laissant la désagréable impression de m’être fait quelque peu manipuler, tel une marionnette, par un mystère plus ampoulé et fabriqué que naturel et sincère.