Dans les années 90, passait à la télé une mini série de fables de la fontaines entièrement animées de formes géométriques: les déplacements étaient très mécaniques, on trouverait sans doute l’animation très perfectible aujourd’hui, mais ça avait son petit charme.
Récemment le jeu de société “Cubirds” présente des cartes d’oiseaux de différentes espèces dessinés à partir de formes cubiques, et tous très jolis.
Dans La fameuse invasion des ours en Sicile on retrouve la même idée: utiliser des formes stylisées pour illustrer des personnages et paysages qui a priori ne sont que courbes et asymétrie.


A quel moment notre cerveau arrive à concevoir que pour faire un visage il suffit de trois détails? Un contour, deux yeux et une bouche suffisent à nous faire comprendre qu’il y a quelqu’un face à nous.


Peu importe ce qui se passe dans notre tête, c’est toujours agréable de pouvoir découvrir des œuvres de fiction qui font preuve d’originalité et mettent en avant un vrai travail de création.


L’ours Léonce et ses amis n’ont pas l’air très attachants au premier coup d’oeil mais dès qu’on les voit en mouvement (et en danse), on a envie de les prendre dans nos bras et de les suivre dans leurs pérégrinations siciliennes.


la fameuse invasion des ours en Sicile est un plaisir visuel: on ne se lasse pas de la symétrie et de la géométrie des plans, de l’étonnante fluidité d’une danse d’ours, de paysages conçus pour créer des fonds d’écrans, de couleurs qui séduisent la rétine.


Le charme est aussi sonore: musiques, dialogues, doublage, tout est maîtrisé, jusqu’aux petites répliques qui sonnent juste et nous donnent le sourire.


Et puis il y a l’histoire: c’est comme si on se retrouvait devant un meuble à tiroirs, de ces meubles anciens qui présentent de petits théâtres: d’ailleurs le film rouge du récit est une saynète jouée par deux baladins, rappelant que nous sommes dans un conte et rendant hommage à la tradition orale et à ceux qui l’ont perpétuée.


La cadence est telle qu’on a l’impression d’ouvrir de plus en plus de tiroirs, de découvrir des paysages, des thèmes, de nouvelles idées: quand ce n’est pas l’histoire qui bouge, c’est l’image qui vient nous titiller: on ne s’ennuie pas.
Avec Thomas Bidegain au scénario, on pouvait difficilement s’attendre à un déroulement simpliste, et effectivement entre le récit imbriqué dans un spectacle de rue et les deux pans de l’histoire, on a de quoi se mettre sous la dent.
La bascule en milieu de film d’un coup change de ton: là où la première partie était une quête “simple” du père qui veut sauver son fils, la seconde est plus mature, plus amère: les ours sont devenus des êtres civilisés et Léonce doit composer avec les vices humains qui gangrènent peu à peu la société.
Ce changement d’orientation du film lui donne un côté plus sombre, plus profond, qui donne à l’ensemble plus d’impact même si c’est également cette bifurcation qui risque de perdre les plus jeunes spectateurs.


Voilà un film plaisant sur bien des aspects, sans parler du fait que c’est un travail franco-italien qui prouve que la vieille Europe n’a pas dit son dernier mot.

iori
8
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le 14 oct. 2019

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