Une comédie émotionnelle française parlant d'une famille de sourds, avec une actrice principale ayant fait The Voice, et Michel Sardou en fond sonore par-dessus le marché ? Dis comme ça, ça fait par forcément envie. On se dit, encore un truc chochotte, plein de commisérations et de bien-pensance à l'Intouchables [2011], mais finalement, non.
Qu'on soit énervé ou pas par Louane Emera (Paula Bélier), omniprésente dans le film, on ne peut nier qu'elle livre une performance sincère et entière. Et puis le film s'appuie tout de même énormément sur les seconds rôles : Roxane Duran qui joue avec une finesse rafraîchissante la meilleure amie Mathilde d'abord, mais surtout Eric Elmosnino, absolument irrésistible en professeur de chant rentre-dedans... Il faut dire que c'était un rôle taillé pour lui, si l'on en croit sa prestation dans Télé gaucho [2012].
Et puis il y a la famille de fermiers sourds de Paula. Le film décrit les sourds comme étant extrêmement direct et expressif, ce qui est largement plausible et très cinématographique. On peut critiquer le fait d'avoir pris des entendants pour jouer les parents, alors que le frère est bien sourd. Mais il est tout aussi important d'avoir affaire à des acteurs expérimentés. Le père Rodolphe, joué par François Damien, est probablement le plus réussi, mélange de bienveillance paternelle et de militantisme électoral. La mère Gigi (jouée par Karin Viard) par contre, est par trop tendue. Comment peut-on être ainsi constamment sur les charbons ardents ? D'après le témoignage d'un sourd, elle est aussi le personnage dont les signes saccadés sont les moins compréhensibles. Le petit frère enfin, est pas mal, mais son rôle est trop en retrait.
Finalement, la chimie s'opère entre les personnages, et le scénario est extrêmement bien rythmé. Le film passe au début d'une petite histoire à l'autre (la candidature aux municipales du père Rodolphe, les ennuis gynécologiques des uns et des autres), avant de se concentrer sur la formation musicale de Paula, qui crée des remous chez des parents sourds qui se sont trop appuyés sur elle. Qu'on aime ou pas Michel Sardou, là encore, le film réussit à magnifier la chose, à le rendre beau et poignant.
A partir d'un sujet très peu traité dans le cinéma, La Famille Bélier arrive donc à faire une fable réaliste et enchanteresse. C'était pas gagné, et on ne peut donc que féliciter le réalisateur Éric Lartigau et les scénaristes Victoria Bedos (oui, la fille de Guy, la sœur de Nicolas) et Stanislas Carré de Malberg.