La famille Fang est l'occasion pour moi de découvrir Jason Bateman sous un angle différent et surtout très émouvant. L'acteur de Comment j'ai tué mon Boss et Game Night signe ici son deuxième film et se met en scène en tant que membre de cette famille qu'on aimerait tous intégrer, à première vue.
Emmenée par un père farceur pour qui la vie n'est qu'une immense scène propice à faire jaillir ses œuvres d'art éphémères, réalisateur de ses propres performances, dirigeant sa femme et ses deux enfants dans des mises en scènes visant à piéger les réactions des passants, cette famille suscite d'abord l'admiration. Mais le problème des enfants, c'est qu'ils grandissent, et le problème des problèmes, c'est qu'ils grandissent avec.
Ainsi, on retrouve Annie et Baxter quelques années plus tard sous les traits fins de Nicole Kidman, en actrice à la renommée chahutée, et sous l'œil triste de Jason Bateman en auteur de livres à succès. Et très vite, l'un comme l'autre nous sont présentés comme vulnérables et indécis, craintifs et encore sous l'emprise de leur jeunesse. L'une se remémore les mots de son père pour se redonner du courage, l'autre craint de devoir lui tenir tête. S'ils vivent leur vie, chacun de leur côté, un accident les amènera à se retrouver dans la demeure familiale pour un dernier acte. A partir de là, la pellicule se détériore doucement et la folie en apparence si douce va s'avérer de plus en plus aigre et touchante.
S'ils sont morts, c'est horrible. S'ils ne le sont pas, c'est bien pire...
La Famille Fang questionne rapidement l'art, la célébrité et sa légitimité à travers les coups de génie où les impostures de ce père de famille loufoque interprété dans ces vieux jours par un formidable Christopher Walken. Mais au-delà, le film s'impose surtout dans ce qu'il décrit des relations parents-enfants, certes d'une manière atypique sur la forme mais avec beaucoup de justesse dans le fond. Le jeu du duo Kidman/Bateman vient pleinement esquisser nos émotions à mesure que l'on découvre, parfois en même temps que les personnages, la taille de leurs lésions intérieures et les raisons de celles-ci. Même si chacun appréhende la situation à sa façon, l'occasion de remuer le passé pour regarder vers le futur les verra se rapprocher, renouer avec leur statut de frère et sœur avant d'être des adultes, espérant malgré tout être des adultes pleinement délivrés de leur enfance.
Enfant star lui même, j'ai eu le sentiment que Jason Bateman, loin de ce que je connais de lui, livrait une partition très personnelle. une partition qui fait mouche au delà du film lui-même, une partition qui va jusqu'à parler à l'enfant que j'étais face aux parents que j'avais (et que j'ai toujours), au parent que je suis et à l'enfant que je suis toujours, certes à un degré bien moindre, mais assez pour que je me pose des questions sur ce rôle que l'on accepte, quand on en a la chance, et pour lequel, même avec les meilleures intentions du monde, les erreurs restent si faciles à faire, et les dégâts, si difficile à réparer, pour peu qu'on accepte déjà d'en être responsable.
Un film qui se prolonge donc au delà des images. Un film en forme d'invitation pour regarder Bad Words, son premier long métrage en tant que réalisateur, mais aussi deux séries : l'auréolée Arrested Development et la saluée Ozark.