La Faute
5.2
La Faute

Téléfilm de Narciso Ibáñez Serrador (2006)

Après le très décevant Un vrai ami de Enrique Urbizu, j’espérais vraiment un regain de qualité de la part de la saga Películas para no dormir, pour cet avant dernier épisode Narciso Ibáñez Serrador, discret réalisateur uruguayen principalement cantonné au format télévision depuis les 60s, se charge de nous narrer une nouvelle petite histoire horrifique, et je dois dire que c’est tout à fait réussi, même si il m’aura laissé un poil sur ma faim il a le mérite de nous proposer un véritable moment de frisson à pas piquer des vers.


L’histoire se déroule dans l’Espagne des années 70, Ana, une gynécologue réputée, accueille Gloria et sa fille Vicky dans une vieille bâtisse lui servant de cabinet privée pour des avortements illégaux, elle va lui proposer l’hospitalité en échange de son aide lors des opérations, elle accepte bien que peu rassurée face aux mystères qui entourent son amie et cette maison. Alors que Gloria tombe entre temps enceinte Ana la force à avorter tandis que des phénomènes étranges vont se produire, mettant par la même sa fille en proie à un mystérieux grenier, elle va doucement basculer dans la paranoïa …


Déjà je pense qu’il faut prendre cet épisode comme un film à ambiance avant tout, ça l’est même nettement suggéré dès les premières minutes avec un style très Hammer dans son esthétisme, l’intrigue est franchement captivante et les personnages bien construits, la mise en scène tend vers un certain classicisme mais la qualité d’écriture rend les enjeux du récit à la fois clairs tout en gardant une grande part de mystère. On est réellement plongé dans cette atmosphère teintée d’ocre, des escaliers qui grincent au grenier poussiéreux en passant par ce cabinet garni d’instruments médicaux tachés de sang, on ressent une profonde glauquitude, renforcée par une hôte passablement inquiétante, on ne cesse de se poser des questions la concernant, on sait qu’elle cache des choses. Ana va même jusqu’à créer un malaise vis à vis de certaines ambiguïtés sexuelles dans son comportement envers Gloria, et cette dernière s’en trouvera à de nombreuses reprises confuse voir pétrifiée, tout est rempli d’incertitudes et c’est vraiment excellent, en tant que spectateur l’immersion est parfaite.


Le mystère permanent ouvre plusieurs portes, et une présence menaçante rôde sans qu’on puisse à aucun moment l’identifier un minimum, comme un courant d’air, puis le registre va petit à petit se débrider pour prendre le chemin du paranormal, j’ai vraiment fait un net rapprochement avec le cinéma de David Cronenberg, surtout envers Chromosome 3, pour le côté biologique, le fœtus qui se mue en monstre, tout l’aspect suspense qui dérive vers la folie sanglante, à ce niveau là le film de Serrador montre de grandes qualités. Même si il faut bien avouer que dans la seconde partie le réalisateur donne l’impression de tergiverser un peu trop en usant de répétitions en ce qui concerne un schéma en particulier, celui du jeu du chat et de la souris, à force d’appuyer son ambiance sans rien en dévoiler fait qu’on commence à perdre patience, même si d’un sens ça peut se défendre, moi même je râle souvent sur les films qui divulguent tout très vite donc je ne serais pas crédible de m’en plaindre.


Le final est quant à lui assez déconcertant dans son dénouement, il agit clairement comme un contre-pied total, pour être franc j’ai été déçu car j’ai trouvé la chose un peu facile mais encore une fois ça se défend, je ne peux en aucun cas dire que c’est une mauvaise fin, c’est un choix qui reste plausible même si en osant la rétrospection on pourrait trouver quelques incohérences ici et là, mais qui peuvent cependant être désamorcées par de simples détails hasardeux.


À mon avis le propos de Serrador est de dénoncer l’acte de l’avortement sans nécessairement le juger et/ou le diaboliser, Gloria en tant que victime et bourreau relève toute l’ambivalence de cette thématique difficile de traitement, même si je ne comprend pas trop l’ultime plan (lorsqu’elle se recroqueville tel un fœtus, l'assimilation est curieuse).


Mis à part cette dernière partie un tantinet confuse on peut dire que d’une manière globale cet épisode rempli son contrat, l’ambiance est très réussie, les personnages sont correctement structurés, l’aspect mystérieux du récit avance différentes facettes intéressantes, et puis moi qui suis personnellement un grand fan de Cronenberg je ne pouvais qu’adhérer à ce climat à la fois anxiogène et minimaliste. Un film pas tout à fait abouti mais relativement maitrisé, voir brillant.

JimBo_Lebowski
7
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes 2015 : Chronologie cinéma, L’horreur, quasiment le fanatisme ! et Películas para no dormir

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le 1 avr. 2015

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12 j'aime

JimBo Lebowski

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