Depuis son œuvre absurde et contre-utopique "The Lobster", Yorgos Lanthimos laissait incontestablement une image de re-nouveau dans l’esprit de certains. Cette année, il nous revient avec "La Favorite". Contrairement au monde imaginaire du film précité, celui-là se base sur une histoire vraie qui s’est déroulée en Angleterre, au 18e siècle. Dans la crainte de la déception, mais avec l’envie pressante de découvrir le nouveau Lanthimos, je me suis installée dans la salle obscure et félicitée d’avoir trouvé un temps pour visualiser l’œuvre.
Le film retrace une partie de la vie d’Anne, Reine d’Angleterre, et de ses deux favorites - Sarah Churchill et Abigail Hill. Montrant son peu d’intérêt aux affaires du pays, la Reine confie le rôle à son amante secrète et sa conseillère - Sarah, Duchesse de Marlborough. En même temps, sa cousine, Abigail, arrive à la Cour et, de par son intelligence et sa capacité de s’intégrer malicieusement dans le milieu, Sarah l’engage comme dame de chambre. De plus en plus, les deux femmes s’affrontent ardemment et sans pitié, quelque soit le prix, pour avoir la place sacrée de la Favorite.
"Nouveauté n’est pas originalité ni modernité" - disait le grand Robert Bresson. Et c’est bien en cela que le travail du réalisateur est délicat. En l’espèce, l’histoire ne me semble pas sortir de l’ordinaire : trois femmes liées entre elles par une histoire d’amour, ou ce qui s’en apparente faussement, capables de tout sacrifier pour arriver au pouvoir. En somme, un passe-partout - qui ne passe pas toujours bien. Dans notre cas, grâce à une réalisation intelligemment maniée, une préparation technique brillante et un jeu d’acteurs époustouflant, le passe-partout est validé.
Pourtant, j’allais voir le film en essayant de garder un maximum d’objectivité. Ce n’est pas que j’étais complètement excitée à l’idée d’être là, mais je ne pouvais m’empêcher de rire, en apparaissant comme l’unique spectatrice amusée. Le réalisateur nous offre un amas de clins d’oeil subtilement placés, faisant référence aux mouvements féministes, allusion possible aux actualités et polémiques qui ont fait la une de ces dernières années. Le subtil et l’intelligent étaient également visibles à l’écran offrant un moment chargé d’émotions et de symbolisme.
Par exemple, lorsqu'au point culminant de l’histoire, l’arme non-chargée d’Abigail pointe en direction de Sarah, dans un plan en contre-plongée, nous faisant comprendre l'enjeu dramatique.
Autant de symbolismes que d’animaux présents dans le cadre, comme une marque de fabrique, faisant référence aux oeuvres précédentes de Lanthimos. L’animal - symbole du grotesque et de l’absurde qui démontre une société assoiffée d’argent, de pouvoir et de luxure et, par cela, illustre toute sa turpitude.
Et mon analyse serait incomplète si j’oubliais de mentionner une direction de photographie exceptionnelle. Robbie Ryan ("Les Hauts de Hurlevent", "Moi, Daniel Blake") casse tous les à priori réticents quant à l’utilisation de l’objectif fisheye et nous offre un spectacle jubilatoire. Et c’est là que toute la magie d’un écran de cinéma fait son effet. Toute cette splendeur visuelle est accompagnée d’une musique à l’image du film, de costumes et de décors époustouflants offrant une harmonie générale.
"La Favorite" est avant tout une farce, un spectacle grotesque digne d’un Molière, qui démontre une image d’une société agressive, accompagné, paradoxalement, d’un air drôle et amusant. Alors, à vos cinémas !