On connait l'histoire, du moins les anglais la connaissent : la reine Anne avait une relation avec Lady Marlborough, la femme de Lord Marlborough (le Malbrough qui s'en va-t-en guerre dans la chanson): Le sommet de cette histoire d'amour sera sans doute le château de Blenheim, offerte par la reine à sa maîtresse.
De cette idylle Yorgos Lanthimos va créer un ménage à trois en introduisant une servante, cousine de Lady Marlborough qui va semer le chaos sur cette relation.
La première chose qui saute aux yeux c'est la beauté du long métrage. Le travail sur la lumière est impressionnant et les scènes éclairées à la bougie rappellent le film de Kubrick cité dans mon titre. Cette lumière parfois diffuse mais se faisant de plus en plus aveuglante au fur et à mesure du métrage (grâce a une exposition toujours croissante) donne une texture aux objets et visages qui rappelle parfois des toiles de l'époque.
Si le travail sur la photo est réussi, il faut souligner que la beauté de l'image tient également du sujet. Les décors et les environnement sont somptueux et Lanthimos les filme comme jamais le XVIIIème n'avait été filmé. L'utilisation de la courte focale notamment qui casse les perspectives et arrondie les angles déforme ces salles déjà démesurément grande. A cela s'ajoute des mouvements de cameras rapides, travelling avant, panoramique qui témoignent d'une certaine maîtrise. Une fracture presque anachronique avec les plans figés et les lents travelling de Kubrick, sans être trop tape-à-l’œil.
Du point de vue de l'histoire c'est somme toute assez classique: une parvenue va tenter de se hisser le plus haut possible socialement, quitte à remplacer sa protectrice. Du vu et revu depuis le film de Mankiewicz. Cependant l'originalité vient du traitement de cette banale histoire de cour. Comme toujours chez ce réalisateur une étrange ambiance s'installe, les personnages surprennent par leurs attitudes ou le montage déconcerte. Sans trop laisser le spectateur sur le carreau toutefois: on s'éloigne du dernier film de son réalisateur The Killing Of A Sacred Deer qui était extrêmement étrange pour revenir a quelque chose de gentiment original, un peu à la manière de The Lobster.
Certains choix de mise en scène font mouche comme la sélection des musique qui collent parfaitement au ton et à l'intrigue du film, et d'autres moins comme certains ralentis qui rappelle les heures les moins inspiré de Sorrentino.
Enfin comment évoquer ce dialogue à trois sans mentionner le trio d'actrices formidables. Rachel Weisz est très bonne en maîtresse délaissée et Emma Stone captive par son jeu tantôt faussement ingénue, tantôt farouchement cruelle. Mais la meilleure performance, qui était aussi la plus risquée et celle d'Olivia Coleman en reine Anne alitée, manipulée, puérile. Ce qui aurait pu tourner au cabotinage devient au fur et à mesure du film un tour de force de l'actrice qui nuance un personnage monolithique au début du récit.
Bref, The Favorite est un excellent film qui doit être pris pour ce qu'il est, à savoir non pas un film historique mais plutôt une fable quasi fantastique, un questionnement sur l'attachement à une personne et une réflexion sur l'ambition.