Ce film est avant tout une atmosphère. Ancré dans un contexte et une intrigue historique (l'influente femme politique, Sarah Churchill, favorite de la reine Anne de Grande Bretagne, évincée par sa cousine, Abigaïl Hill, qu'elle a imprudemment introduit dans l'entourage royal), le film prend des allures de cauchemars, avec ses couloirs interminables, ses personnages aux figures outrageusement fardées, ses passages secrets mal éclairés où l'on se cogne, ses scènes de débauche (un homme nu sur lequel on s'amuse à jeter des oranges) et ses hurlements qui raisonnent dans le château la nuit venue.
Jeux de séduction et de pouvoir de deux rivales qui font et défont les ministres, autour d'une reine malade, tantôt attendrissante comme une petite fille lorsqu'elle s'extasie devant ses lapins, tantôt effrayante dans ses brusques accès de colère, presque monstrueuse et souvent ridicule. Reine de cœur qui n'aurait pas démérité dans l'univers absurde de Lewis Carroll, ce personnage pivot autour duquel toutes et tous s'articulent, comme des pantins grotesques et fourbes, nous parait tantôt une mouche prise dans les toiles des courtisans, tantôt une araignée qui dévore celles qu'elle a conduit au sommet.
La favorite se rapproche davantage d'un conte de fée effrayant (manger puis être mangée) que du film historique (la manière dont est décrite la reine Anne de Grande Bretagne est sujet à controverse, tout comme ses liaisons présumées avec ses favorites. Les mémoires de Sarah Churchill ont beaucoup contribué à discréditer une souveraine pas forcément incompétente au regard de l'Histoire). On retiendra la beauté de la photographie, le faste des décors filmés grand angle, les costumes, l'ambiance, la cruauté de l'intrigue et le jeu impeccable des trois actrices.