Le pitch :
Dom, veilleur de nuit dans un hôtel du Havre, accueille à sa réception Fiona, qui se présente comme une fée. Elle lui propose de formuler trois souhaits. Deux sont exaucés, puis Fiona disparaît.
Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy s’imposent dans leur filmographie une position en parallèle du cinéma francophone contemporain. Avec La Fée , nous est proposée une nouvelle variation autour du même thème de l’amour tendre, célébrant la maladresse et magnifiant les erreurs, au son d’un tocsin burlesque. Ici on rencontre le tenancier du bar "L’amour flou" bigleux (ne dit-on pas que l’amour rend aveugle), un chien clandestin mieux traité que des migrants en partance pour l’Angleterre.
Cette dernière situation est d’ailleurs celle qui m’aura le plus perturbé ; soit il s’agit-là d’une grossièreté inexcusable, soit est suggérée la subtile nuance induisant que tous les personnages en présence, plutôt que maladroits, sont les rejetons boiteux du monde bancal qui nous entoure.
Le quiproquo aurait toutefois mérité que les auteurs s’y attardent.
On pourrait croire que cette exigence du burlesque aurait tendance à imposer une stylistique contraignante, empêchant l’ouvrage d’exposer son plein potentiel.
Ici, la langueur des plans fixes répondent à la torpeur de la ville du Havre. Faillibles et maladroites, clownesques ou acariâtres, les marionnettes qui composent ce conte de fée moderne insufflent toutes un réconfort précieux face aux injonctions de performance qui nous assaillent. La normalité le dispute à l’anormalité pour composer une ode légère et dansée, douce et amère.
Rien que de très attendu pour qui s’est déjà frotté les yeux sur les deux précédents films du trio franco-belge. Après Rumba et L'iceberg, humblement, La Fée vient couronner un triptyque et transformer ce qui ressemblait à des exercices de style isolés pour en consacrer l’exigence forcenée ; ils définissent dorénavant tous trois leur vocabulaire filmique fait de plans fixes et de silences. Cette nouvelle répétition de la même partition parvient à enrichir leur catalogue de la banalité quotidienne. Mais plus que dans les dialogues, plus que dans la composition aiguisée des plans, c'est bien au creux de la grâce des corps de Dominique Abel et Fiona Gordon que réside la clef, la transgression et le feu qui animent leur filmographie.
Convoquant la retenue de Jacques Tati et la mélancolie de Buster Keaton, Dom et Fiona dans une pantomime qu’on espère infinie, composent une danse subtile et nécessaire, pas exempte de certaines maladresses d’écriture.