Le trio Abel-Gordon-Romy est encore une fois pleinement à la hauteur pour leur troisième long-métrage, après l'Iceberg et Rumba, qui fait partie de mes films cultes. La fée s'inscrit d'ailleurs dans la continuité de ces films, avec une trame relativement similaire : un homme et une femme s'aiment mais sont constamment séparés, jusqu'à leurs retrouvailles.
On retrouve une forme de simplicité dans la forme et dans le fond, mais une simplicité très soignée, presque sophistiquée. Le travail sur les plans (essentiellement fixes) est remarquable, la forme cinématographique étant clairement utilisée au service des gags qui se déploient d'un bout à l'autre du cadre, avec l'usage de la profondeur de champ. Ce côté très soigné de la mise en scène n'est pas sans rappeler l'œuvre de Tati (au hasard Playtime, mais sans le côté presque maniaque qui pouvait faire ressentir au spectateur une forme d'étouffement). Le choix des couleurs est également scrupuleux et méthodique, jusque dans le motif de la robe de la jeune femme. La ville du Havre, dans laquelle se déroule l'action, n'est pas choisie au hasard, toutes ses spécificités étant exploitées (du port aux réserves de pétrole, en passant par le relief des bâtiments et des cheminées). Enfin, le petit côté rétro ou sorte de temps figé, se nourrit quand même d'éléments de notre société actuelle (scènes des sans-papiers), sans tomber dans la superficialité ni la volonté de dénoncer quoi que ce soit. Sans oublier l'humour, qui est bien sûr de la partie, même s'il est assez particulier. Pour ma part, je suis assez fan.
Un excellent film donc, bien supérieur à un « ni à vendre ni à louer » sorti il y a peu et qui se revendique un peu de la même veine « tatiesque ». Le talent comique, mais au-delà le talent cinématographique (et chorégraphique) du trio fonctionnent avec toujours autant de brio.
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