Voyave au bout de la nuit par Féline

40 ans après le film de Tourneur, Universal a l’idée de produire un remake de la Féline, polar fantastique noir. Après être passé entre les mains de Roger Vadim, le projet aboutira entre celles de Paul Schrader. Pourquoi Vadim s’est-il désisté ? Le pitch serait sexiste. On en reparle dans quelques lignes.


Alors que ses parents sont morts, la jeune (mais adulte) Irena va retrouver son frère aîné qu’elle connaît à peine à la Nouvelle-Orléans. Celui-ci disparaît un soir. Pendant ce temps-là, des prostituées sont tuées par ce qui semble être une panthère. Irena, elle, trouve refuge auprès d’Oliver, zoologiste au zoo de la ville. Elle se demande qui est son frère et qui elle est elle-même.


Déplacer l’intrigue de New-York à la Nouvelle-Orléans n’est pas un hasard. Les choses y sont plus explicites, plus sauvages, plus humides et ce décor est moins propice au drame bourgeois. Et en effet, il y aura de la sueur, du sang, de la peau, du poil et un soupçon de magie. Autre différence marquante par rapport au film de Tourneur, le personnage principal est plus en retenue, moins dans la panique. Pas assez probablement. Car là où la Irena de Tourneur avait peur d’elle-même, cette Irena-ci a surtout peur de son frère et ne voit pas tout de suite le lien avec ses propres pulsions. Et le frère est en effet le sujet d’une bonne partie du film, si bien qu’on attend patiemment et longtemps que le titre (français) du film prenne du sens. Ce n’est ni ennuyeux, ni passionnant. Mais c’est étonnant, étant donné que ce personnage est littéralement inexistant dans le film d’origine. Il est en fait la création qui permet de récuser les procès en sexisme. Car on se rappellera que dans le film de 1942, la femme qui laisse libre cours à son désir finira par mourir et il n’y a aucun contrepoint masculin. Ici, la présence et la nudité masculine permettent de justifier et légitimer le destin tragique et la chair abondante de la femme. Ainsi, quel que soit votre genre, le désir sexuel non maîtrisé entraîne la destruction ou le sacrifice, point. Cette réflexion en creux sur le film de Tourneur et son contexte est probablement ce qu’il y aura de plus intéressant à voir dans le film. Car du côté de la photo, rien de génial. À la mise en scène, c’est sagement années 1980. À l’interprétation, ça manque cruellement d’engagement et de charisme. Quant à l’intrigue, comme dit plus haut, elle se perd un peu dans les méandres de sa propre justification.


En bref, on préférera l’original au remake, bien que celui-ci ne soit pas foncièrement mauvais. On aurait aimé, un côté bis plus affirmé et assumé et une mise en scène plus personnelle. Et comme souvent, on aurait préféré une intrigue plus resserrée et efficace.


>>> La scène qu’on retiendra ? La déambulation nocturne d’Irena dans le marais, nue comme un ver, comme un appel à la sauvagerie. C’est probablement à ça que le film aurait dû ressembler. Et non, on ne retient finalement pas la scène de la piscine tant elle fait pâle figure en comparaison à l’originale.

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le 14 sept. 2024

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