Auteur d'une Oeuvre à la fois dense et extrêmement cohérente Eric Rohmer réalise La Femme de l'aviateur au début des années 80 : une comédie policière à la portée philosophique tout à fait délicieuse, partant du célèbre adage "On ne saurait penser à rien". Il s'agit là d'une étude sur l'Amour à la fois déprimante et d'une rare lucidité, comme toujours très bavarde mais jamais ennuyante.


Comme à l'accoutumée Rohmer place la parole de ses comédiens sur le devant de la scène, au détriment de la technique. Principalement tourné en plans larges, narré sous la forme de longues séquences captivantes et même assez novatrices pour l'époque La Femme de l'aviateur se concentre surtout sur trois personnages : François ( Philippe Marlaud, qui campe ici un amoureux transi touchant de naïveté et d'honnêteté malhabile ), Anne ( Marie Rivière, qui incarne une femme indépendante, émotive et cruelle ) et Lucie ( la jeune inconnue rencontrée par François, interprétée par la pétillante Anne-Laure Meury ). Le film porte immanquablement le sceau de son réalisateur, cette fameuse "touche rohmérienne" située quelque part entre le théâtre, la littérature et le cinéma...


En dépit de ses partis pris techniques pour le moins rudimentaires ( bande-son parfois proche de l'ébauche, valeurs de plan fort peu variées...) cette comédie couve en réalité une grande complexité, une séduisante sophistication discursive. On se surprend à penser au fameux calcul des probabilités de Blaise Pascal ( théorie existentielle déjà savamment développée dans Ma nuit chez Maud ) ou encore à toute la pensée poétique de Baudelaire et ses Fleurs du Mal, à Musset, à Marivaux... Loin d'être un film sur le couple ( ce qu'aimerait à croire le personnage de François ) La Femme de l'aviateur est surtout un film sur le ressentiment amoureux, une comédie moins drôle que véritablement dramatique au coeur de laquelle les hommes suivraient les femmes fuyantes.


Voilà donc un remarquable morceau de cinéma, faussement simple et joliment filmé par Rohmer. La Femme de l'aviateur reste l'un des grands films de son auteur doublé d'une édifiante déclaration d'amour à Paris et ses lieux publics. La scène du parc des Buttes-Chaumont mérite à elle-seule amplement le détour. Superbe !

stebbins
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le 8 juil. 2016

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