La Femme de mon pote enferme ses trois personnages principaux dans le monde fermé d’une station de ski, lieu de passage pour les uns, lieu de résidence pour les autres. Nous ne sommes pas loin du huis clos, et les quelques sorties à l’extérieur fonctionnent davantage comme des intermèdes, aucune scène forte ne s’y déroulant, comme cet horizon d’espérance et de liberté qui harcèle sans cesse notre trio (partir pour Paris, pour Saint-Tropez ou en Australie). La scène de théâtre décline trois espaces bien définis : le chalet luxueux de Pascal, le petit studio de Micky, le magasin de ski, ce dernier agissant en qualité d’espace public où s’effectuent les rencontres ainsi que le croisement incessant des deux amis. Chez Pascal, le lit est en bas ; chez Micky, il est en haut. Et entre eux, une femme, une « fille de passage » qui n’est, justement, pas sage... Fable sur l’amitié et la tentation, La Femme de mon pote construit un triangle amoureux à la fois comique et tragique dans lequel les rôles traditionnels valsent et s’amuïssent : le séducteur voit son amante le tromper, le « type bien » prend sa revanche non sans culpabilité jusqu’à se transformer, pour un temps seulement, en monstre d’égoïsme et de méchanceté. C’est reconnaître la femme comme élément perturbateur, pas dans un sens misogyne, mais dans un sens strictement physique : elle est un facteur de déséquilibre entre deux hommes définis comme meilleurs amis et mis en rivalité à cause des charmes – les carmina étant des sortilèges – faciles de Viviane. Elle est aussi une source de connaissance, d’exploration de son moi profond et des fantasmes qui s’y trouvent. Le noir du vice sur fond de neige blanche. Et ce que le film saisit le mieux, c’est la fragilité des êtres qui, sous leur carapace de principes vertueux et moralisateurs, demeurent avant toute chose des humains (dixit la clausule du métrage) autant sensibles qu’intrépides, violents et brutaux. Bertrand Blier porte un regard tendre et cruel sur son trio qui ne parvient jamais à trouver un équilibre et qui, parce qu’il enchaîne surprises et coups de théâtre, laisse entrer le hasard dans l’existence ainsi vécue dans son opacité fondamentale. Malgré les difficultés de tournage, Coluche trouve ici l’un de ses meilleurs rôles et révèle un visage d’inquiétante bonhomie que nous lui connaissons peu.