Avec La femme de mon pote Bertrand Blier signe l'un des films les plus tendres et les plus méconnus de sa filmographie. Nous sommes en 1983, à une époque où le cinéma français ne jure que par la nouvelle garde d'acteurs comiques alors en plein essor : la troupe du Splendid et le Café Théâtre, peuplés de jeunes talents tels que Christian Clavier, Romain Bouteille, Gérard Jugnot ou encore Miou-Miou, Michel Blanc... et Thierry Lhermitte.
Une star nationale, immense et prolifique se démarque également : l'humoriste Coluche qui a déjà quelques comédies à son actif telles que Banzaï ou encore L'inspecteur La Bavure.
Deux ans après Beau-Père et un an après le suicide de son interprète principal ( le génial Patrick Dewaere ), Bertrand Blier décide de réunir deux des acteurs les plus bankables du moment : Thierry Lhermitte et Coluche, donc. Une comédienne sera également de la partie pour participer à cette comédie douce-amère et profondément sentimentale : la jeune Isabelle Huppert, déjà présente au générique des Valseuses dix ans auparavant. L'action se passe à Courchevel, dans un chalet montagnard au bord des pistes de ski... Chalet dans lequel la quasi totalité de l'intrigue se déroule.
La femme de mon pote est donc une comédie mâtiné de tristesse, une petite bulle sans envergure mais tout ce qu'il y a d'attachante et de sympathique. Le titre équivaut pratiquement au scénario du film qui explore, trois ans avant le chef d'oeuvre Tenue de Soirée, les difficultés du triangle amoureux. Deux copains de toujours et une aventurière, belle jeune plante faisant du gringue aux deux compères en toute impunité. Coluche joue à merveille deux modes complexes qu'il manie avec finesse : l'ami caractériel d'une part, avec une humeur chagrine et beaucoup d'attractivité comique face à Thierry Lhermitte ; l'amant hypocondriaque d'autre part, face à Isabelle Huppert ( montrant déjà la facette mélancolique du célèbre humoriste qui explosera par la suite dans Tchao Pantin ). Du trio c'est bel et bien Coluche qui brille le plus, Lhermitte étant tout à fait crédible mais peu mis en valeur par Blier, faute à un rôle finalement assez banal et trop proche du Popeye des Bronzés. Isabelle Huppert s'en sort bien également, même si elle change rarement de registre et de mimiques.
Bertrand Blier et son écriture se font remarquer à maintes reprises : des médecins cons comme la lune, des amoureux provocateurs et sentimentaux et toujours ce soupçon de misogynie qui est la marque du réalisateur. Mozart réapparaît cinq ans après Préparez vos Mouchoirs, dans une longue scène particulièrement émouvante dans laquelle Micky ( joué par Coluche ) cherche un moyen d'expliquer à Pascal ( joué par Lhermitte ) son aventure avec sa femme. Cette scène est d'ailleurs d'autant plus tragique qu'elle précède celle où Pascal offre un revolver à Micky, séquence rendant tristement hommage à Patrick Dewaere ( Coluche avait offert une arme à l'acteur qui s'en était servi pour se donner la mort. En outre le rôle de Pascal devait initialement être joué par Dewaere ).
On peut toutefois reprocher à Bertrand Blier quelques passages un peu creux qui, après une première demi-heure jubilatoire, plombent un tantinet le métrage. La musique de J.J. Cale finit de contextualiser le film dans son époque, déjà daté par la portée générationnelle de ses interprètes. Nous sommes bien dans un film des années 80, et la gueule de Farid Chopel nous le rappelle dans les dernières minutes. Un film tendre, un peu nonchalant mais qu'il faut redécouvrir pour Coluche qui y trouve l'un de ses meilleurs rôles. A voir absolument.