Alors qu’à mon âge avancé et avec mon ancienneté ici je devrais commencer à jouer les vieux sages, je m’en fais encore régulièrement raconter par des petits jeunes venant tout juste de troquer le lait maternel pour une bière sans alcool. Cette fois, c’est le délicieux Amory qui, encore tout déconfit par sa récente expérience nymphomaniaque, me recommandait chaudement cette femme des sables. Pour le remercier de ce judicieux conseil, il me faudra, lors de notre prochaine rencontre, sabler le champagne.


Sables émouvants*


C’est le genre de film, vous savez, où tout fonctionne. Où un scénario simplissime est raccord avec une réalisation dépouillée et sublime. Où la photo, dont le contraste est synonyme de profondeur, colle parfaitement à la peau sensuelle des personnages.
Car oui, le film est mélange inattendu de mystère et d’érotisme, un thriller psychologique doublé d’une étude de mœurs dont la portée symbolique (un entomologiste en abîme) reste légère comme une brise du soir sur une plage estivale.
Assurément, une œuvre à attaquer sable au clair.


Le mythe décisif*


Vous l’avez peut-être lu par ailleurs, il s’agit d’un instituteur amateur d’insectes et de photo rapidement pris au piège d’une maison engoncée dans une fosse sableuse. Alors que toute tentative d’évasion s’avère rapidement vaine, Niki s’aperçoit qu’il est le jouet de villageois aux motivations nébuleuses et doit apprendre à cohabiter avec sa mystérieuse logeuse, la fameuse femme des sables. Pire, chaque nuit devra être invariablement occupée à remplir des seaux de sables.
De quoi se faire hara-kiri au sable d’abordage.


Un marchand de sable qui ne cesse de passer


…et pourtant à aucun moment nous prend l’envie de fermer l’œil. L’évolution des personnages est si précisément et justement dépeinte, la tension si tangible (comment continuer à vivre avec celle à qui l’on fait l’amour alors qu’elle participe à sa captivité) les plans sur le lieu si étonnants (ces glissements de plaques de sable, quel régal !) qu’on ne peut qu’attendre le dénouement (parfait) avec avidité.
Et que dire de la performance du couple d’acteurs qui ont dû déguster, au sens propre, des pelletées entières de sable tout au long du tournage.


Une vieille expression évoque des portugaises ensablées pour signifier une surdité partielle. Dans le cas des japonaises en tout cas, les yeux et les oreilles restent jusqu’au bout grands ouverts.


(*copyright expressions populaires)

guyness

Écrit par

Critique lue 2.1K fois

60
16

D'autres avis sur La Femme des sables

La Femme des sables
Sergent_Pepper
9

Le grain et la peau.

[Série "Dans le top 10 de mes éclaireurs" : Amory, Confucius, Volte & Morrinson] Le prologue trompeur de La femme des sables nous met en prise avec un homme en pleine possession de ses moyens :...

le 13 sept. 2014

95 j'aime

15

La Femme des sables
guyness
8

Les sables d’alone

Alors qu’à mon âge avancé et avec mon ancienneté ici je devrais commencer à jouer les vieux sages, je m’en fais encore régulièrement raconter par des petits jeunes venant tout juste de troquer le...

le 3 févr. 2014

60 j'aime

16

La Femme des sables
SanFelice
10

Le sable y est

Considéré de nos jours comme un classique, Prix Spécial du Jury à Cannes en 1964, nommé pour l'Oscar du meilleur film étranger, La Femme des Sables, réalisation la plus célèbre de Hiroshi...

le 18 nov. 2016

56 j'aime

3

Du même critique

Django Unchained
guyness
8

Quentin, talent finaud

Tarantino est un cinéphile énigmatique. Considéré pour son amour du cinéma bis (ou de genre), le garçon se révèle être, au détours d'interviews dignes de ce nom, un véritable boulimique de tous les...

le 17 janv. 2013

343 j'aime

51

Les 8 Salopards
guyness
9

Classe de neige

Il n'est finalement pas étonnant que Tarantino ait demandé aux salles qui souhaitent diffuser son dernier film en avant-première des conditions que ses détracteurs pourraient considérer comme...

le 31 déc. 2015

318 j'aime

43

Interstellar
guyness
4

Tes désirs sont désordres

Christopher navigue un peu seul, loin au-dessus d’une marée basse qui, en se retirant, laisse la grise grève exposer les carcasses de vieux crabes comme Michael Bay ou les étoiles de mers mortes de...

le 12 nov. 2014

299 j'aime

141