Jusqu'ici producteur plus ou moins inspiré et capable du meilleur comme du pire ( Balada Triste - A l'Intérieur - Bloody Mallory - Humains) , Frank Ribière réalise avec La Femme la plus Assassinée du Monde son premier film de fiction pour le compte de Netflix. Un co-production franco-belge plutôt ambitieuse qui nous plonge dans la France des années 30 et dans les coulisses du mythique théâtre du grand Guignol par le biais d'une biographie romancée de l'actrice Marie-Thérèse Beau alias Paula Maxa allias la Sarah Bernhardt de l'impasse Chaptal allias La femme la plus assassinée du monde. Le film mélange de nombreuses vérités historiques et biographiques avec plusieurs mensonges, des personnages et des faits ayant existés avec des inventions scénaristique afin de construire une sorte de biopic thriller dans lequel à l'image des spectacles du fameux théâtre tout est à la fois vérité palpable et illusions.
Le film raconte donc l'histoire de Paula Maxa véritable star qui attire les foules au théâtre du grand guignol afin de la voir mourir sur scène encore et encore. Un journaliste qui enquête sur une série de meurtres qui ont lieue dans les rues de Paris s'intéresse au théâtre du grand guignol , lieu de toutes les abominations et à l'actrice qui se retrouve menacée par ce véritable tueur qui pourrait surgir du passé douloureux de la comédienne.
La Femme la plus Assassinée du Monde est un premier film qui ne manque pas d'ambitions et qui porte en lui matière à explorer de nombreuses thématiques fort intéressantes. A la fois biopic, thriller, et romance le film pouvait aussi explorer le rapport à la mort et à la violence de cette actrice et de ses spectateurs, l'éternel débat sur les répercutions des représentations horrifiques de fiction sur les actes criminelles, l'impact négatif de l'essor du cinéma sur le spectacle vivant et plus particulièrement sur le théâtre du grand Guignol ou l'apport de ce même théâtre grandiloquent au cinéma horrifique. Et il faut bien reconnaître en toute honnêteté que Franck Ribière parvient à brasser et aborder toutes ses thématiques mais il n'en embrasse pleinement aucune et ne fait que les survoler laissant ce sentiment très décevant qui si il y-avait matière à faire cinq très bons films il n'en reste au final qu'un seul et plutôt moyen en plus.
L'aspect biopic est un peu bancal du fait qu'il n'aborde qu'une très courte période de la vie de Paula Maxa et qu'il soit en plus partiellement romancé pour coller à la fois au côté thriller du récit et à la relation amoureuse avec le jeune journaliste. On a au final cette sensation que le personnage n'est pas le centre du film mais un simple élément servant de caution à l'avertissement : Ce film s'inspire de faits réels . J'aurai adoré en savoir beaucoup plus sur cette comédienne que le tout Paris venait entendre hurler et voir mourir de façon horrible; Paula Maxa qui est morte plus de 30 000 fois dans les pires souffrances en subissant les plus abjectes des abominations reste un peu la grand mère de toutes les scream-queens du monde et sans doute qu'elle mériterait un film qui lui soit pleinement et entièrement consacré pour célébrer enfin celles qui des milliers de fois hurlent, pleurent, souffrent et meurent pour nous divertir.
L'aspect plus thriller et fantastique n'est pas beaucoup plus convaincant et même si le film s'aventure parfois avec bonheur vers les ambiances gothique et brumeuses des films de la Hammer, l'idée de vouloir rapprocher l'histoire véridique du Tueur de la butte avec celle de Paula Max reste un petit peu trop bancal à l'écran. Le film s'aventure donc aussi vers le fantastique avec les visions que Paula Maxa a de sa sœur assassinée, mais là encore on reste dans un entre deux un peu mou et ses apparitions fantomatique n'ont pas plus l'impact des spectres effrayant du cinéma horrifique que la mélancolie fantastique des fantômes symbolisant les traumatismes du passé. Dommage également que le récit n'exploite pas beaucoup plus l'enquête du journaliste entre les prétendus liens entre le Grand Guignol et les agissements du tueur et ce fantasme toujours très rependu du serial killer inspiré et conditionné par les images et représentations fictives et divertissantes de la violence. Et pour ce qui est de la romance entre Paula Max et le journaliste Jean (personnage totalement fictif) elle manque cruellement de tout ce qui devrait pourtant faire l'essence même du récit à savoir de la chair, du sang et des larmes. Il est toujours difficile lorsque l'on aborde plusieurs genre à la fois dans un unique film de pleinement tous les honorer et malheureusement Franck Ribière ne parvient jamais à faire mentir ce constat. En ce qui concerne l'aspect historique du film et la reconstitution du Paris des années 30, on sent que Franck Ribière est un peu à l'étroit dans son budget et qu'il doit souvent limiter son récit à quelques décors intérieurs et quelques rues nocturnes désertes; mais le film reste visuellement assez séduisant proposant notamment une représentation visiblement assez fidèle du théâtre du grand guignol, de sa salle, ses rites et de ses coulisses.
La Femme la plus Assassinée du Monde laisse aussi ce sentiment d'un film un peu engoncé dans un corset trop étroit qui l'empêcherai de pleinement respirer. Avec un tel sujet il fallait peut être la flamboyance d'un Mario Bava ou la tendresse gothique d'un Tim Burton , en tout cas une étincelle propre à sublimer ne serait ce qu'un seul des éléments du film. Le film reste porté par un casting globalement plutôt réussi même si quasiment aucun personnage n'aura l'opportunité de pleinement existé à l'écran. C'est Anna Mouglalis qui incarne Paula Maxa et si la comédienne ne manque ni de charme ni de charisme son interprétation me paraît trop froide et glamour pour totalement adhérer à la figure tragi-comique de son personnage. On retrouve aussi Michel Fau toujours un peu cabot dans le rôle d'André De Lorde le scénariste du grand guignol surnommé le prince de la terreur et Jean-Michel Balthazar dans celui de Paul Ratineau , lui aussi personnage ayant existé et génial concepteur des effets gore du théâtre du grand guignol. Le reste du casting alterne le bon et le moins convaincant avec André Willms et Sissi Duparc au registre des satisfactions et Niels Schneider complétement transparent dans le rôle du journaliste caution à l'aspect romantique bien inutile de l'histoire.
La Femme la plus Assassinée du Monde est une grosse déception même si je reconnais volontiers que Franck Ribière n'aura manqué ni d'audaces ni d'ambitions pour ce premier film . Il reste pourtant à mon sens un très grand film à faire sur le théâtre du grand guignol et sur cette troupe d'artisans bricoleurs et d'artistes qui s'amusaient à faire peur et dégouter son public venus se frotter aux tréfonds des bas instincts de l'humanité. Un film débarrassé des oripeaux du thriller, des circonférences du romantisme pour uniquement célébrer les magnifiques artisans du divertissement horrifique comme Tim Burton l'a si joliment fait avec Ed Wood.