Une jeune femme sur le point de se marier va recevoir une leçon de vie en allant faire le ménage chez un couple en crise : tel est l’argument. Roohi va ainsi apprendre à se méfier des apparences et découvrir le mensonge tapi là où on ne l’imagine pas.
L’appartement est en chantier, tout comme l’état de ce couple bien mal en point. De même qu’elle est chargée d’y mettre de l’ordre, l’intrépide Roohi va être tentée de mettre son grain de sel dans cette histoire, en s’essayant au mensonge à son tour. Même si c’est essentiellement par jeu au départ, signe de son jeune âge, elle fait preuve d’une belle capacité d’adaptation, condition de survie pour les femmes dans cet Iran oppresseur, semble nous dire Farhadi. Au fur et à mesure de la journée, elle va prendre conscience de la gravité de ces questions et le jeu va se transformer en un devoir moral, dévoiler la vérité à celle qui est victime du mensonge. Tout cela sur fond de société iranienne, dont la violence est rappelée constamment par ces pétards qui explosent, ou, dans l’étrange scène finale où les brasiers allumés partout évoquent plus un pays en guerre que des scènes de fête (images documentaires, réellement captées lors de la Fête du feu). Dans cet Iran patriarcal, les femmes ont aussi leurs atouts (la ruse, le charme), et les hommes leurs faiblesses (Morteza qui pleure lorsque Simin le quitte, l’ex-mari de Simin qui attend toute la nuit dans sa voiture). Quant aux enfants, ils apparaissent surtout comme les victimes de ce jeu de massacre.
Mais, comme dans tous ses films, le cinéaste ne se montre pas lourdement didactique : le système politique n’est que suggéré, par petites touches. Ainsi de l’usage du tchador : ne pas avoir d’ennuis pour Roohi, se dissimuler pour Modjeh. Également le rejet d’une femme divorcée, Simin, que l’on cherche à mettre dehors. Ou encore l’importance de l’apparence publique, Modjeh pleurant d’humiliation car son mari s’en est pris à elle « dans la rue » (on suppose que dans l’intimité de l’appartement il en eût été autrement)... On peut savoir gré à Farhadi de cette finesse, qui, probablement, lui évite aussi de (trop) passer sous les fourches caudines de la censure.
Si le scénario est, comme toujours chez Farhadi, d’une grande efficacité, cet opus manque sans doute de profondeur par rapport à Une Séparation, A propos d’Elly ou Les enfants de Belleville. Le dilemme moral est moins aigu, les questions soulevées moins passionnantes. On découvre également assez vite le pot aux roses : le film nous embarquant trop clairement sur une piste, on s’attend à ce que la vérité soit à l’opposé.
Enfin, précisons que je n’ai guère pu apprécier la qualité de l’image, ayant visionné le film sur l’un de ces détestables écrans plats qui rendent l’image laide, comme si elle n’avait pas été étalonnée. L’idée que, bientôt, nous n’aurons plus d’autre choix que ce standard au rabais (en dehors des salles de cinéma, ouf) est assez mortifiante. Bon, ma vieille télé a encore de beaux jours devant elle...
6,5