Kirill Serebrennikov m'a encore mis la fièvre, pendant des heures...

Kirill Serebrennikov devrait demander à ne plus faire partie de la compétition cannoise. Déjà en 2018 le jury avait totalement snobé son immense "Leto", ratant ainsi une occasion de couronner un film à la fois exigeant, brillant en terme de cinéma et pourtant abordable.


Trois ans plus tard c'est à nouveau un gros râteau pour le cinéaste russe alors que sa "Fièvre de Petrov" aurait selon moi pu prétendre à un prix dans à peu près toutes les catégories.


Peut-être a-t-il cette fois pâti du fait que son nouveau bébé soit inclassable, fou, parfois difficilement déchiffrable. Et pourtant que de bonheur pour tout amoureux de cinéma au cœur de ces 145 minutes qui ne débandent jamais. Le garçon est énervé et ça se sent, il a la fièvre, comme tous ses protagonistes, et sa Russie natale. Son pays est profondément malade, et son film aussi par la force des choses.


Tout y est sale, trouble, agité, à la manière d'une caméra frénétique, dont les mouvements donnent le tournis. Les situations ubuesques se succèdent, la question de la réalité ou du rêve/cauchemar se pose en permanence, jusqu'à faire apparaitre des éléments de fantastique en distordant le film de super-héros à la manière d'un Kornél Mundruczó dans "La Lune de Jupiter", autre œuvre déroutante s'il en est.


La distorsion est d'ailleurs ici l'élément essentiel : temps et chronologie avec alternance de couleur et de noir et blanc, espaces, personnages, on se demande fréquemment qui est qui, à quelle époque du récit on se trouve, et surtout Serebrennikov parvient à interroger notre propre perception des lieux, des décors, des costumes (ou de leur absence) dans quelques scènes démentes où les facultés sensitives du spectateur peuvent sembler altérées.


Je m'en voudrais de ne pas parler d'une scène, brève, d'un ou deux plans qui déchirent le cœur, d'un père et son enfant dans la neige, seul instant où la tendresse et l'amour auront voix au chapitre. Car l'époque est ce qu'elle est, sombre, le cinéma en est le reflet, alors quelques secondes de lumière peuvent ressembler à une rose sur un tas de fumier.


En résumé c'est du cinéma qui frappe fort, qui interroge à la fois sur ce qu'on vient de voir et sur ce qu'on a voulu nous dire, ce n'est donc pas du cinéma pour ceux qui aiment le confort et la passivité.


Si vous êtes de ceux qui achètent volontiers une place de cinoche pour vivre des expériences préparez votre thermomètre pour le 1er décembre...

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le 8 nov. 2021

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takeshi29

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