Probablement le film de "jeunes" qui en son temps en 1977, a déclenché un véritable phénomène sociologique, c'était du jamais vu, car ce fut statistiquement parlant l'un des succès les plus rentables à l'époque, une véritable explosion aux Etats-Unis : en 180 jours, le film totalisa 186 496 000 dollars. John Travolta, beau gosse au physique latin qui n'avait tourné que des TV-films et des rôles secondaires, est devenu du jour au lendemain, une star, c'était le nouveau "latin dancer", renommée qui s'est ensuite résorbée, Travolta devenant simple acteur.
Le producteur Robert Sitgwood qui avait déjà produit l'opéra-rock des Who, Tommy réalisé par Ken Russell, a pour ainsi dire fabriqué la Fièvre du samedi soir dont la musique n'est pas seulement un support de l'action, mais en est l'élément principal, et particulièrement ce nouveau son musical devenu à la mode : le disco. Le film n'est pas une simple copie d'un spectacle musical filmé de Broadway, et ne se contente pas d'harmoniser la danse et les chansons à une action conventionnelle comme on a pu le voir dans différents "musicals" hollywoodiens, il se veut tout entier "disco", il est imprégné par cette nouvelle fièvre qui inondait le monde.
C'est Stigwood qui contacta les Bee Gees avec lesquels à partir d'une copie du scénario, ils discutèrent du type de chansons qu'ils pourraient composer, car étant donné la nature de la production, il était nécessaire que la partition soit écrite avant le début du tournage. Le film est carrément indissociable de sa BO, la musique des Bee Gees enveloppe littéralement le film et lui donne une identité très forte, en plus de quelques autres morceaux de différents artistes. Comment oublier "Night Fever", "You should be dancing", "Staying alive", "More than a woman" ou "How deep is your love"...? J'ai vécu cette aventure en live, j'avais 18 ans, j'étais donc en plein dedans, et je me souviens que c'était une véritable folie, c'est pourquoi ce film m'a énormément marqué, comme tous les gens de ma génération ; ça sera sans doute moins sensible pour les moins de 30 ans qui découvriront une sorte de curiosité.
L'autre intérêt de la Fièvre du samedi soir, c'est qu'il n'est pas consacré qu'à la danse et aux scènes de boites de nuit. C'est aussi une chronique sociale sur les bandes de jeunes qui hantent les boites de Brooklyn, et tout ce qui tourne autour ; le personnage de Tony Manero incarné par Travolta est un minable petit garçon de courses dans une quincaillerie, il est mal compris par sa famille très catholique et d'origine italienne qui n'a d'yeux que pour le fils aîné qui est prêtre, mais le samedi soir, au milieu de sa bande de copains, il est le roi sur le dance-floor. Par ce biais, il s'épanouit et oublie toute la médiocrité du quotidien.
Il y a même des scènes très drôles (ceux qui attendent leur tour pour baiser dans la voiture, les acrobaties sur le pont de Verrazano) mais aussi des scènes tendues (les engueulades, la bagarre avec une bande rivale), tout en étant également une success story en forme de jolie romance entre un gars et une fille qui aiment la danse. A ce titre, les scènes de danse sont fabuleuses, notamment le numéro de Travolta avec ses déhanchements sur "You should be dancing" ou la danse synchronisée sur "Night Fever". On retient aussi le générique de début avec la caméra qui suit Travolta et son pot de peinture dans les rues de Brooklyn, en contre-plongée sur "Staying alive". De même que les scènes où Tony se prépare devant sa glace comme l'officiant d'un cérémonial avant d'aller en boite (parfum, coiffure, choix de la chemise, la chaînette au cou), bref on est en plein mythe, à cette époque tous les mecs voulaient un costume blanc sur chemise noire, et voulaient danser comme Travolta.
Les temps musicaux ont changé, mais la Fièvre du samedi soir est loin d'être un produit mode, ça reste un film musical d'une rare efficacité, comme une sorte de conte de fée intemporel, en plus du film fétiche de toute une génération.