Ce film est très attachant. Il a pourtant à priori plein d’aspects étonnants : un scénario en trois temps (mine, ville, plage) avec des ellipses assez brusques, notamment le passage entre la mine et la ville qui ne s’embarrasse pas d’explication (on passe de mineurs victimes d’un coup de grisou au fond de la mine attendant en vain les secours, aux mêmes, fringants émergeant du puits de mine pour aller faire la bringue à Amsterdam). Une autre incongruité réside dans la distribution de ce film italien où les quatre rôles majeurs sont interprétés par des français, dont l’un (Ventura) est censé être italien et les deux femmes des hollandaises (lumineuse Marina Vlady et pétillante Magali Noël), ce qui donne des dialogues parfois étonnants et désaccordés que n’arrange pas la post-synchro hasardeuse propre au cinéma italien de l’époque. Mais tout cela n’est vraiment pas grave tant on est pris dans cette humanité que sait si bien filmer Luciano Emmer, dont on sent qu’il prend plaisir à refléter la vie qui l'entoure. Son talent de documentariste fait merveille que ce soit au fond de la mine où sont remarquablement filmées les conditions de travail des mineurs rampant dans l’étroitesse de leur tunnel, l’obscurité, le bruit des marteaux piqueurs, la chaleur, la poussière, ou dans une très belle scène sur les dunes surplombant une plage balayée par le vent, ou encore dans le quartier rouge d’Amsterdam à la vie si animée avec ses vitrines alléchantes, ses boîtes à cha-cha et mambo, et son night club réservé aux homosexuels où se retrouve par hasard Lino Ventura de manière incongrue. En à peine 90 minutes de ce film qui alterne chronique sociale, comédies de mœurs et franche comédie, on est successivement pris par la réalité ouvrière la plus dure et pénible, l’animation joyeuse du quartier chaud d’Amsterdam et l’insouciance des escapades en station balnéaire de bord de mer du Nord. Pour au final terminer avec un goût amer, quand après le parfum d’insouciance de la parenthèse d’un week end, la réalité de la vie des uns et des autres reprend son cours. La censure de la Démocratie chrétienne italienne avait édulcoré le film à sa sortie, ce qui avait conduit Luciano Emmer à interrompre sa carrière durant trente ans, ce qui ne nous a laissé qu'une petite filmographie de ce cinéaste que l’on qualifiait de « néo-réaliste rose »