Au bout de la filmographie de David Lean, trône ce film. Malaimé de la critique de l'époque qui lui reprochait son style trop classique, il a été restauré et a retrouvé auprès du public actuel ses lettres de noblesses.



Amour, pas de gloire et de la beauté




Effectivement, il possède une facture classique. Mais peut-on reprocher à un réalisateur de faire ce qu'il fait de mieux ? Il n'y a qu'à voir les scènes de la fin du mariage et celle dans la forêt, avec ces amants au milieu de la nature, maitrisés tant sur le plan formel que symbolique. Cette dernière fait d'ailleurs penser au roman de Zola, La Faute de l'Abbé Mouret, plus précisément au passage ou l'abbé et son aimée se retrouve au milieu de la nature dans une sorte de paradis originelle. Lean semble d'ailleurs apprécier la littérature française car la structure du film repose sur celle de Madame Bovary de Flaubert.
Si le film est rigoureux et le sujet sérieux, il ne manque pas d'humour subtil, qu'il fait parfois passer à travers une musique plutôt enjouée. On sourit aussi pour une autre raison : il a influencé quantités de films après lui. Si ce n'est pas le film de Lean le plus connu, les films qui l'ont pris en référence à travers l'histoire du cinéma sont nombreux. Pandora pour la scène de la plage, Star Wars quand on voit la princesse Leia dans la sable ou Il Etait une Fois dans l'Ouest avec ce plan qui nous montre une voiture roulant, s'arrêtant puis repartant vue de côté. Quand elle repart, la personne descendue apparait, presque magiquement. Luxe suprême, Lean se cite lui-même en réutilisant le célèbre raccord de Lawrence d'Arabie, mais en inversant les scènes.

Les acteurs sont au diapason. Tout d'abord le rôle fébrile et fougueux du personnage interprété par Sarah Miles mais aussi Mitchum à contre emploi, dans son rôle le plus tendre et par ce simple fait, l'un de ses plus intéressants avec La Nuit du Chasseur ou Yakuza. Trevor Howard campe un prêtre dans la veine de celui de Karl Malden dans Sur Les Quais. Une performance colossale. Il passe de la rudesse à la tendresse en quelques mots, en un geste à peine. Il donne corps à ce personnage en équilibre dans un monde ou la bêtise et la guerre rodent.



A la fois composite et véritablement Lean-éaire



Il y a tout de même un défaut à ce presque chef d'œuvre : il s'agit du côté trop composite de l'œuvre comme s'ils s'agissaient de plusieurs courts métrages agglutinés qui rend le film moins fluide, presque inégal à certains moments. Bien sûr la plupart des plans sont magnifiques et cadrés d'une manière qui, sur le plan classique encore une fois, est irréprochable. Au passage, le fait de gloire du film est évidemment la fameuse scène centrale de la tempête, réalisée d'ailleurs pas un autre que Lean qui en était, paraît-il, très jaloux.
Malgré cela, l'histoire reste une réflexion de haute volée dans la ligne directe du style de Lean. Alors qu'il parle d'une histoire sociale dans village côtier irlandais, Lean continue à parler de la guerre. Ici c'est par touche. Un sujet qui traverse le film. Celui qui la représente le mieux est Christopher Jones qui joue un soldat blessé dans tous les sens du terme. Sa prestation inspire le respect. Il prend part d'ailleurs à une scène qui représente bien la guerre et ses douleurs, à travers le thème de la guerre après la guerre pourrait-on dire. Cette scène entre deux officiers nous montre d'une manière émotionnelle et abrupte le trauma de la guerre, la vacuité de celle-ci, grâce aux paroles incessante de l'un et au silence de l'autre et grâce aussi, aux flash-backs qui parsèment cette séquence.
Plus tard dans le film est démontré qu'au fond, le soldat qui tire est comme celui qui est sur le point de se retrouver à terre, notamment à travers une séquence au montage élégant. Et ils sont tous les deux comme l'idiot. L'idiot du village, qui se pare de médailles et d'un képi. Cet idiot qui est méprisé de tous sauf du prêtre et … du soldat rescapé. Et la boucle est bouclée.
Film possédant une puissante mélancolie, il réalise l'exploit de traiter à la fois de la lâcheté, de la passion, de l'idiotie qui méprise autant la culture que la beauté et nous parle avec une douceur étonnante de la guerre en filigrane. Jamais misérabiliste, une véritable œuvre de et sur la compassion.

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le 18 avr. 2016

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Fiuza

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