Setsuko Hara chez les nazis, un beau gâchis

Pour une fois, il n'y a pas de pitch sur la page du film, donc en voici un : un Japonais rentre au pays après 8 ans d'étude en Allemagne, où il s'est imprégné des valeurs de l'Occident, ce qui va freiner son acclimatation dans son pays d'origine. Il souhaite briser ses vœux de mariage et rejette sa famille… Finira-t-il par rentrer dans le rang et partir coloniser la Mandchourie ?

N'y allons pas par quatre chemins : le film est absolument naze. Le scénario est simpliste, comme le suggèrent les quelques lignes ci-dessus. Il sert simplement de prétexte pour découvrir les aspects les plus stéréotypés du Japon (avec l'enseignement de la fiancée et le retour progressif au pays du fiancé). La propagande du film, qui a été réalisé à la suite de la signature du pacte anti-Komintern entre l'Allemagne nazie et le Japon fasciste, le rend dégueulasse (la colonisation japonaise, l'importance des valeurs traditionnelles qui finissent par gagner). Il y a des longueurs absolument exécrables, même en plein pendant des scènes d'action. Si la plupart des plans sont beaux, ils sont aussi peu subtils que la justice hitlérienne (le gars a voulu refaire les 36 vues du Mont Fuji en 3 minutes). Alors pourquoi je mets quand même 4 ?

Car il y a Setsuko Hara. Il s'agit d'un de ses premiers films, elle qui n'avait même pas encore 18 ans au moment du tournage. Et déjà, elle rayonne avec son sourire légendaire. Certes, elle est encore loin de l'apogée de son talent qu'elle atteindra une douzaine d'années plus tard avec Yasujiro Ozu, mais vu le reste du casting, elle brille déjà par sa grâce et sa douceur encore toutes juvéniles. Même dans les moments où le scénario est ridicule (au sommet du volcan), elle parvient quand même à transmettre une émotion réelle et troublante. Comme quoi, même dans une bouse infâme on peut trouver des perles. On la remerciera quand même d'avoir joué dans Je ne regrette rien de ma jeunesse d'Akira Kurosawa après la guerre, film progressiste et aux valeurs humaines moins douteuses (pour parler par euphémisme), comme pour racheter sa première partie de carrière. Elle y joue d'ailleurs un rôle miroir à celui de cette merde fasciste. Dans ce dernier, elle joue une frêle jeune fille, qui passe son temps à faire la Princesse Disney en nourrissant des biches, à rêver de mariage et dont le seul pouvoir est d'essayer de se donner la mort. Chez Kurosawa, elle jouera le rôle d'une femme de gauche, qui portera ses valeurs à bout de bras, contre l'autoritarisme et par amour, d'une femme de pouvoir et de conviction qui ne pliera finalement jamais.

Samji
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le 30 mai 2024

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