Monde féroce et déliquescent, arpenté en toute innocence par un avatar contemporain du petit héros de Kipling. Tandis que les vautours orduriers réajustent pour la nième fois la scène de tournage aux méthodes brutales et humiliantes (quasi droguée de force au "coca" tel un volatile de basse-cour !), Délia tente comme elle peut de reprendre haleine, et trouver l'apaisement près du seul ilot de fraicheur que constitue la fontaine. Le portrait des parents est tout en relief, d'une insensibilité et d'un égoïste effrayants mais pondérés par un vécu miséreux traumatisant. Egoïsme qui n'a d'égal que le libéralisme ambiant, dévastant tout sur son passage, jusqu'aux liens familiaux les plus intimes. La référence au "Livre de la Jungle" et l'appropriation qui en est faite, est bien celle d'une société hypnotisée par des miroitements illusoires, qui la décomposent à l'acide, ou plutôt la fait régresser à l'état animal.
Le film s'abandonne un peu à la répétition, à l'étirement, mais est jonché de petites idées discrètes très pertinentes. Passent en revue quantités de travers: misogynie, haine des tziganes, corruption policière...
Rq: Dans "I love dollars", (JV der Keuken), on note la présence d'une voie rapide parcourue d'un flux incessant et très agressif, bordant une aire de détente où les habitants s'adonnent à des jeux d'argent. La mise en scène de cet endroit m'a fait penser à ce qu'on aperçoit dans le film ici.