"La ragazza che sapeva troppo" est souvent considéré comme le premier jalon du giallo. Genre transalpin qui sera peaufiné dans l'un des films suivants de Mario Bava, "6 donne per l'assassino" avant d'être repris avec succès par d'autres réalisateurs, Dario Argento en tête.
On retrouve en effet ici plusieurs ingrédients typiques du giallo. Une héroïne qui se retrouve mêlée malgré elle à une histoire de meurtre, et qui va décider d'enquêter par ses propres moyens. Une ambiance urbaine, nocturne, et cauchemardesque. Avec un soupçon de fantastique : l'héroïne a-t-elle rêvé le meurtre dont elle a été témoin ? S'agissait-il d'un spectre d'un meurtre passé ? Le thème de la perception d'un événement clé sera par ailleurs également un thème récurrent chez Dario Argento.
Sauf qu'il faut quand même admettre que le scénario est ici bancal. L'intrigue n'est guère palpitante, et pas très plausible. Et l'on oscille maladroitement entre quelques touches d'humour (certes réussies), du polar, de l'horreur, et de la romance (!).
Avec en prime cette voix-off qui intervient de temps à autre de manière poussive. J'en comprends bien le sens : notre héroïne étant amatrice de romans policier, cette voix représente celle d'un narrateur de l'histoire dont l'héroïne s'imagine être la protagoniste. Mais on aurait pu allègrement s'en passer...
Heureusement, sur la forme c'est assez soigné. D'abord, Mario Bava utilise pleinement la ville de Rome, nous offrant pratiquement une visite touristique de la cité antique. La Place d'Espagne étant un lieu très récurrent. Avouez qu'il y a bien pire comme cadre !
Et puis le réalisateur se montre à l'aise avec le noir & blanc. Jouant régulièrement sur les éclairages, les recoins sombres, les contrastes, et les angles de caméra malaisant. Étonnement, ce sera le dernier film en noir & blanc de Mario Bava. Anecdote amusante : Bava aurait avoué avoir trouvé le scénario un peu bête, et se serait donc focalisé sur la technique lors du tournage...
Enfin, le couple formé par John Saxon et Leticia Roman est franchement mignon, et leurs scènes communes sympathiques (bien que tranchant parfois totalement avec le reste). Je crois pleinement Luiggi Cozzi, qui a raconté que le film aurait été écrit initialement comme une romance !
A l'arrivée donc, un proto-giallo inégal en ce qui me concerne.
A noter qu'il en existe une version américaine, titrée "Evil Eye". Ne vous faites pas avoir, il ne s'agit pas d'un simple doublage ou retitrage. Cette version a changé la musique, la fin du film italien, et elle a ajouté/supprimé des scènes.