Benoît Jacquot ne lésine pas en rapidité pour nous lancer et même nous pousser à grandes empoignades dans le récit qu'il nous propose. Directement on se retrouve dans un café parisien, de bon matin et Valérie (Virginie Ledoyen) a une annonce importante à faire à son copain (Benoît Magimel) avant d'embaucher dans l'hôtel d'à-côté en tant que porteuse de plateaux.
Ce qui retient l'attention c'est à quel point Ledoyen et Magimel sont sacrément bons acteurs. A travers des sautes d’humeur dans les dialogues et des micro-chamboulements par certaines situations qui appuient le trait (parfois pas si naturellement que cela, mais on en comprendra la nécessité dans un récit si ramassé), le film, en quasi temps réel, nous met sur la même longueur d’onde de cette femme et plus largement de son couple « en désunir ». On pourra aussi profiter du portrait d'une femme à la fois assez secrète mais aussi assez directe face à la violence tant des garçons que des filles qu'elle côtoie.
Ce qui plait aussi beaucoup est la reconstruction vive et instantanée d'un véritable microcosme parisien entre le café et l'hôtel (puis un jardin public), grâce à une caméra qui suivra les moindres trajets de Valérie tout en ne manquant pas de saisir et de donner de l'importance à de nombreuses petites interactions avec l'environnement (une prise de commande, une altercation avec un serveur, des échanges empressés le temps qu'un ascenseur se referme ou encore un enfant bousculant une poussette).
Pour en revenir rapidement au couple, celui-ci se retrouve à la croisée des chemins entre la vie d’avant et une vie à déterminer marquée à tout le moins par son nouvel emploi à l'hôtel et surtout par l’enfant qu’elle attend et dont on fera la rencontre dans un épilogue très décalé dans le temps. Cet épilogue servira de véritable respiration à l’histoire en plus d’en marquer la fin et de tenir au courant le spectateur de la trajectoire prise après cette journée qui nous avait fait suivre le personnage de Virginie Ledoyen.
Aussi, durant cette dernière partie, on peut apercevoir sa mère tenir un livre de William Irish, « J’ai épousé une ombre », qui à la lecture rapide du résumé sur internet paraît traiter dans un premier temps d’une femme elle-aussi enceinte qui prendra, par la force d’un drame, la place et l’identité d’une autre. Cette recherche d’une nouvelle identité, d’un nouveau soi, d'une réinvention en partie à travers la maternité, est en effet ce qui semble se jouer dans La Fille Seule.