Le renom de la rose
Pour un cinéaste, engager Catherine Frot, c'est s'attirer presque à coup sûr le capital sympathie du (grand) public mais c'est aussi, si l'on n'y prend grade, la conforter dans une image de râleuse...
le 29 août 2020
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Ma rose, ma rose, ma rose, ma rose écoute mes murmures
Ma rose, ma rose, ma rose, ma rose tu peux être sûre
Que tu n'seras plus jamais seule pour franchir les murs
Il y a d'la place sur mon épaule pour une rose et son armure
Suivant la course du soleil avec nos yeux fatigués…
Eve Vernet magistralement incarné par l'excellente Catherine Frot est une ancienne grande créatrice de rose aujourd'hui en difficulté financière qui ne dispose que de quelques mois pour rembourser ses dettes avant la faillite totale de son entreprise agricole : "les Roses Vernet." Son bras droit et comptable "Véra", que la comédienne Olivia Côte interprète avec rigueur, trouve une idée provisoire pour repousser l'heure fatidique en embauchant Samir (Fatsah Bouyahmed), Nadège (Marie Petiot) et Fred (Melan Omerta) qui sont des cas sociaux en insertion professionnelle afin de bénéficier d'un coup moindre sur les coûts salariaux. Des salariés sans expérience qu'Ève va surexploiter en rendant les choses plus épineuses qu'elles le sont, puisqu'elle va se servir d'eux pour voler une rose rare dans l'entreprise "Lamarzelle" afin de créer une nouvelle espèce qui lui permettrait de remporter "la Rose d'or". La Rose d'or, le Graahl pour la profession que Lamarzelle (Vincent Dedienne) remporte chaque année et qui lui permettrait de s'affirmer en tant numéro 1 dans le domaine, réglant par la même tous ses problèmes financier. Dans le cas contraire, son entreprise familiale serait rachetée par Lamarzelle. En attendant l'échéance il faut faire tourner la boutique en formant les trois novices dans le domaine horticole ce qui laisse libre cours à un apprentissage saisissant et passionnant pour le spectateur autour de l'hybridation des roses, rendant ce métier bien plus fascinant, complexe et fin que ce que l'on pourrait imaginer.
Pour sa deuxième réalisation, Pierre Pinaud présente avec "La Fine Fleur" une oeuvre sur la réussite sociale, l’accomplissement de soi et le rôle déterminant d'un artisan envers ses salariés. Si dans un premier temps le travail ne semble pas légitime de par l'approche immorale d'Ève envers ses trois salariés auxquels elle fait du chantage, le récit devient par la suite une révélation morale sur l’importance des compétences personnelles, sur l’ambition et les motivations de réussite de chacun, ainsi que sur le respect pour la hiérarchie à tous les niveaux. La carrière dans le monde agricole de l'horticulture est délicate, avec plus de hauts que de bas. Des difficultés auxquelles beaucoup d'entreprises familiales font face et qui sont à l'origine d'un taux de suicide tragique et scandaleux. Avec un ton moins alarmiste faisant avant tout appel aux bons sentiments sans pour autant dénigrer son message de fond, le film de Pinaud résume intelligemment cette vérité en suivant le parcours d'un artisan en difficulté qui se retrouve continuellement face à des obstacles entre les dettes impayées qui s'accumulent, les huissiers de justice, ou encore les intempéries. Un cadre de malchance appuyé par des sous-intrigues intéressantes autour de la misère entourant Samir, Nadège et Fred.
Fine Fleur coche pas mal de cases sur divers éléments sociétaux, ce qui fait qu'on ne peut pas réchapper à certains clichés sur la bien pensante, néanmoins on se sent complètement inspirés par cette histoire qui souligne la passion, l'énergie et l'ambition nécessaires pour atteindre ses objectifs par le biais de positions de vente certes parfois scandaleuses mais qui laissent une idée claire sur les stratégies de vente actuelles que doivent mettre en place les artisans pour pouvoir réchapper à d'éventuels échecs. Les comédiens sont excellents avec Catherine Frot en tête qui une fois encore marque les esprits de sa présence en incarnant une femme aigrie et égoïste totalement vouée à l'entreprise léguée par son père, qui au contact de ses salariés va s'ouvrir beaucoup plus au monde. Marie Petiot en tant que Nadège est amusante avec sa timidité morbide. Melan Omerta pour Fred fait un énorme travail autour d'un personnage persécuté qui revient de très loin et qui va nouer un lien particulier avec Ève qui va le pousser très loin. Pierre Pinaud réussit tout de même à s'émanciper de quelques clichés autour de la relation envers les personnages en faisant en sorte que finalement aucune relation amoureuse ne découle entre Nadège et Fred, cela étant laissé dans un potentiel futur laissant ainsi toute la place à l'intrigue principale.
La réalisation de Pierre Pinaud est superbe, illustrant parfaitement le cadre floral. Une mise en scène raffinée autour des roses que l'on découvre d'un oeil nouveau sous sa caméra. Des images pleines de sens qui tout du long ne cessent de nous interroger sur le rôle de la beauté dans notre monde. Le rythme est soutenue grace à divers rebondissements permettant ainsi de maintenir le spectateur en éveil en alternant intelligemment les séquences sur le métier d'horticulteur autour de l'hybridation des roses avec des péripéties plus directes permettant ainsi de jongler avec divers sentiments d'ordre comique ou dramatique. La composition musicale de Mathieu Lamboley joue un rôle essentiel dans le film en instaurant une éclatante atmosphère grace à des superbes titres musicaux qui sont appuyés par de belles chansons française comme "Les Roses blanches" de Tino Rossi, ou encore "La Rose et l'armure" d'Antoine Elie.
CONCLUSION :
Pierre Pinaud présente avec "La Fine Fleur" un beau film sur le métier d'horticulteur qui n'oublie pas d'émettre toutes les difficultés sociales de la profession, mais aussi toutes ses joies et ses beautés. Une oeuvre pleine de bons sentiments qui livre avec fascination un véritable apprentissage dans le domaine horticole avec l'hybridation des roses, sans pour autant oublier de rendre son film distrayant avec des péripéties bien gérées qui alternent brillamment le comique avec le dramatique. Chapeau bas aux comédiens qui sont tous très bon. Particulièrement Catherine Frot qui une fois encore vise juste et fort.
Une vie sans beauté se résume finalement à peu de choses
C'est aujourd'hui dimanche, tiens ma jolie maman
Voici des roses blanches, que ton cœur aime tant
Va quand je serai grand, j'achèterai au marchand
Toutes ses roses blanches, pour toi jolie maman
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Créée
le 4 juil. 2021
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