La Fleur de mon secret par Alligator
sept 2011:
En voyant "L'année des 13 lunes", ma femme a eu une poussée cinéphage, une de ses envies soudaines, celle de revoir "La fleur de mon secret" qu'elle a cru déceler dans le film de Fassbinder, délaissant enfin ses insatiables montées de désir pour mon corps fourbu après tant d'ébats salaces et sauvages. Ce soir... une chemise d'économisé! Almodovar comme baume apaisant : les voies du cinéma sont impénétrables!
Je n'étais pas très chaud pour faire le lien entre les deux films aussi vite, d'autant qu'un Fassbinder se digère toujours avec un temps, une pause, une respiration que le visionnage si prompt d'un Almodovar, autre auteur à siroter, allait sûrement compromettre. Mais il est vrai qu'en terme d'investissement, cette "Fleur de mon secret" bien que toujours exigeant sur le plan intellectuel et surtout émotionnel se révéla un peu moins difficilement domesticable que je ne le craignais.
En tout cas, l'influence de Fassbinder, notamment dans la manière de traiter la dépression de Leo (Marisa Paredes) après sa rupture avec Paco (Imanol Arias) est assez nette et évoque le désarroi dans lequel tombe Elvira dans "L'année des 13 lunes". Dans les deux cas, la rupture amoureuse marque le début d'une effroyable dégringolade pour ces deux anges au cœur pur. L'issue est par contre bien différente. Les personnages d'Almodovar sont bien plus aptes à rebondir et font très souvent montre d'une grande capacité à s'adapter aux évènements, même s'ils sont catastrophiques. Cela ne se fait pas sans heurt, bien entendu, mais cette femme (Paredes) au fond de la crise de nerf trouve la force de remonter à la surface.
Peut-être de façon plus frappante encore que dans le Fassbinder cité précédemment, celle fleur d'Almodovar illustre à merveille l'incroyable faculté de son auteur à raconter une histoire, à en maitriser avec une déconcertante habileté les moindres virages et rebondissements, toutes les finesses de la narration comme l'extrême densité de pratiquement tous les personnages (bien qu'ici celui de Paredes paraisse bien évidemment le plus "écrit"). C'est sans doute le secret de la réussite d'Almodovar. Il est aussi bien un très grand scénariste qu'un très grand metteur en scène. La définition d'un maître en somme! Capable d'aller dans des directions qui semblent contestables au premier abord et qu'il arrive à rendre aussi profondes que vitales pour la conduite de son récit, sa tenue comme son âme. Et c'est à chaque fois la même chose : on est baba d'admiration. Comment a-t-il fait? Cela semble pourtant couler de source.
J'ai peut-être l'air d'enfoncer des portes ouvertes mais qu'importe puisque c'est encore une fois particulièrement vrai ici : il est tout de même grandement aidé dans sa tâche par ses comédiens, excellents.
Marisa Paredes livre une prestation si colossale que ses partenaires paraissent contraints de picorer les miettes à l'écran. Néanmoins, j'ai plutôt envie de souligner le travail de Carme Elias, très jolie copine de Leo et qui, dans un rôle succinct, arrive à tirer son épingle du jeu.
Sans non plus venir détrôner les Almodovars chers à mon cœur, celui-ci constitue pourtant une très belle œuvre, importante, pleine, solidement écrite, parfois même époustouflante d'équilibre et d'émotion. Un très bon Almodovar. J'aurai sûrement envie de le revoir quand il sortira en Blu-ray.