Ce film, souvent sous-estimé dans l'œuvre de Chabrol, est une sorte de condensé des critiques habituellement formulées par le cinéaste contre la bourgeoisie de province. Mais ce qui aurait pu être une énième répétition du même thème a été transformé par Chabrol en un excellent film.
C'est donc le portrait d'une famille bourgeoise. Le père est pharmacien, la mère se présente aux élections locales (municipales je crois). Le fils du pharmacien rentre d'un long séjour à l'étranger. On ne sait pas très bien pourquoi, mais dès le début on devine un malaise : ce séjour au loin n'était-il pas un exil, dans le but d'éloigner le jeune homme pour éviter un scandale ? On n'en aura jamais vraiment la réponse, mais cette méthode est significative du travail de Chabrol dans ce film : d'abord laisser les questions s'installer, commencer par des soupçons, puis n'apporter de réponses que plus tard, quand le spectateur aura déjà deviné la vérité.
Ainsi, on comprend que le père est un salaud fini bien avant de le voir tromper sa femme. Et la liaison entre le jeune homme et sa chérie se laisse d'abord deviner avant d'en avoir la confirmation. En quoi ce couple est-il gênant ? parce qu'il est incestueux, pardi ! Les liens familiaux sont très spéciaux d'ailleurs, dans cette famille : le père a bien épousé... sa belle-sœur !
Le scénario est vraiment remarquable et constitue la première qualité du film. Ainsi, Chabrol fait alterner les scènes politiques et sociales, plutôt dramatiques, et les scènes amoureuses, plus lumineuses et reposantes. D'ailleurs, il faut bien préciser : le couple que forment Benoït Magimel et Mélanie Doutey est un des plus beaux du cinéma français contemporain, à mes yeux. Ils sont magnifiques, émouvants, drôles.
La réalisation est subtile : Chabrol n'insiste jamais, joue sur les allusions, n'essaie jamais d'éblouir le spectateur avec son indéniable talent.
L'interprétation est, elle aussi, d'une très grande qualité. C'est chez Chabrol que j'ai compris que Magimel est un grand acteur. Bernard LeCoq est exceptionnel en salaud. Suzanne Flon est, comme toujours, géniale. Mais la palme revient, pour moi, à Nathalie Baye, qui tient là un des rôles que je préfère chez elle. Le film contient d'ailleurs une scène que j'adore : Nathalie Baye, en campagne électorale, en train de faire du porte à porte dans une HLM, insultée par certains et obligée d'écouter les autres faire leurs petites doléances, en faisant semblant d'être particulièrement attentive et d'avoir vraiment envie de répondre à leurs besoins. Elle est hilarante. Un grand moment d'humour.