Produit durant la période la plus sombre (à tous les niveaux) pour Disney, qui souhaitait à l’époque produire des films plus adultes sans toutefois perdre un jeune public, La Foire des Ténèbres est l’adaptation du roman éponyme de Ray Bradbury ("Chroniques Martiennes", "Fahrenheit 451"…) qui s’occupa du scénario avant de découvrir les affres du monde hollywoodien. Indécis, dépité devant des projections-tests peu concluantes, Disney vire le compositeur Georges Delerue, engage le vétéran John Mortimer pour réécrire le scénario, fait retourner des scènes et revoir le montage par le superviseur des effets spéciaux et sort finalement l’un de ses plus gros bides un an plus tard.
En résulte un film forcément imparfait, alourdi par des effets spéciaux inégaux, un montage parfois incompréhensible et l’évidence de certaines séquences retournées (les gamins sont visiblement plus âgés lors de l’invasion des mygales et lors du final). Pourtant, en l’état, le long-métrage reste fascinant de par sa prise de risque tout de même immense pour Disney qui tenta, après Les Yeux de la Forêt, de proposer un film d’horreur pour enfants. En cela, le réalisateur Jack Clayton parvient à mettre en scène une péripétie constamment sombre et inquiétante, effrayant plus de par sa thématique que ses effets choc aujourd’hui vieillots.
Cette histoire de fête foraine débarquant pour semer le chaos dans une petite ville américaine, alimentée par le déroutant Mr. Dark (Jonathan Pryce) et confrontée à deux gamins un peu trop curieux et le père de l’un d’eux (l’imposant Jason Robards), contient bon nombre de séquences osées et peu conventionnelles pour un film destiné aux enfants, en témoignent la fameuse scène avec les araignées, une main furtivement broyée en gros plan ou encore un vieillissement accéléré du même acabit que celui orchestré par Spielberg six ans plus tard (des scènes par ailleurs issues des reshoots). Au final, inégal mais tout de même haletant et souvent effrayant, La Foire des Ténèbres reste un merveilleux film fantastique typique des eighties dont on aimerait néanmoins découvrir un jour les fameuses scènes de Clayton coupées au montage.