"Ferris Bueller's day off" est un film culte qu'il est bon de revoir de temps à autre. Bien sûr, il ne faut pas nier que le film comporte quelques défauts, il est loin d'être parfait, après tout John Hughes n'est pas un très grand réalisateur. C'est juste que l'histoire est touchante grâce au fond assez simpliste et pourtant universel.
Le scénario est pourtant loin d'être un modèle à suivre par rapport aux règles de la dramaturgie : l'objectif principal est vague (passer une folle journée) ce qui rend les conflits et surtout les résolutions quasi impossibles à anticiper. Si on prend Indiana Jones, c'est assez simple : il doit récupérer un trésor et des méchants veulent l'en empêcher. Ici on sait juste que le dirlo veut que les gens se rendent compte que Ferris n'est qu'un sale gamin manipulateur. Mais la particularité de ce méchant... c'est qu'après 20 minutes de film, il ne croisera plus jamais la route du héros... jusqu'à la fin. C'est un peu ça qui est fou dans ce film.
Les conflits externes que l'on attendait n'ont pas la fonction habituelle, c'est-à-dire freiner le héros. DIsons le haut et fort, Ferris peut tout faire, il n'a jamais de réel problème à faire quoi que ce soit. C'est en c esens qu'il incarne le fantasme de monsieur tout le monde. Qui n'a jamais rêvé de faire les 400 coups sans jamais être pris. Ferris lui le peut. Il peut vous embarquer dans une virée en bagnole sans se faire coincer, il peut trouver un moyen d'entrer dans un restau chic sans souci, il peut aussi devenir la star d'une parade sans qu'on ne le jette dehors.
Quel est l'intérêt de mettre en scène le dirlo alors? Juste de gagner du temps? On pourrait en effet le sucrer très facilement du montage sans que ça ne gêne la cohérence du récit. L'intérêt du dirlo est pourtant là : il s'oppose, sur le fond, à ce qu'est Ferris. Il en est l'antithèse, l'homme qui rate tout ce qu'il entreprend. Ferris incarne la liberté, le directeur incarne l'emprisonnement ; Ferris incarne la jeunesse folle, le dirlo incarne le monde des adultes déçus par la vie. Sans le dirlo, on ne pourrait pas prendre pleinement conscience de ce qu'est Ferris : un fantasme.
Mais le dirlo n'est pas le personnage le plus intéressant du film. Il est utile, mais Hughes aime avant tout parler de cette étape de la vie où l'on passe de jeune homme à homme, de dépendant à indépendant. Et c'est là qu'intervient le personnage de Cameron Frye. C'est bizarre au fond, car quand on parle du film on a tendance à oublier ce personnage, sans doute parce qu'il rappelle trop bien ce que le spectateur est : un homme qui doute, en proie à des conflits internes. Et c'est sur ce principe de conflit interne que le film démarre réellement après 40 minutes de mise en bouche et de fausses pistes (avec le dirlo). Cameron est un garçon sensible, largué, au bord du gouffre... comme n'importe quel ado au final. Il a besoin de se sentir lui-même. Ferris, c'est un peu ce que Cameron voudrait être, c'est son rêve à lui (et donc à nous, spectateurs) sauf qu'il n'en aura jamais les couilles, de un, et de deux, parce que dans la réalité, il est impossible de réussir tout ce que Ferris fait au quotidien (déjà, Ferris parle au spectateur directement, pas les autres personnages... comme si Ferris échappait déjà aux règles de son propre monde... comme s'il n'était qu'une sorte de fantasme ambulant servant de lien entre notre monde réel et celui du film).
En fait, le vrai héros, ce n'est pas Ferris, c'est Cameron. Parce qu'il est celui qui va réellement accomplir quelque chose dans ce film. C'est d'autant plus évident que lors des résolutions finales principales (à savoir Cameron qui devient un homme, qui décide de tenir tête à son père), Ferris est muet. Il ne dit rien. Lui il ets juste là pour fanfaronner et montrer à son ami que tout est possible. Mais il n'a aucune réelle emprise sur le réel. Puisqu'il n'est qu'un fantasme (d'ailleurs le fait que tout le monde sache qu'il est malade et qu'une telle campagne soit lancée à son profit montre bien sa nature fantasmatique). C'est Cameron qui va prendre le dessus. C'est d'ailleurs le personnage le plus intéressant du film. Le seul qui soit réellement approfondit.
Bref, "Ferris Bueller's day off" est un teen movie très introspectif : il y a beaucoup d'humour, mais le fond est tellement fort qu'il permet au film de passer malgré une structure narrative assez pauvre et une mise en scène sans grande surprise (mais très efficace en terme de simplicité et de comédie).