C'est drôle, dans le coffret DVD où j'ai trouvé ce film, il avait pour titre "La fontaine d'Aréthuse".
Bertil est un jeune homme sérieux, apparemment numismate ou thésard, qui a obtenu une bourse pour visiter l'Italie. En Sicile, il a acheté une magnifique pièce de monnaie représentant la nymphe Aréthuse, qui s'était changée en source. On dit que ses eaux communiqueraient avec une source du continent, ce qui est impossible. La femme de Bertil est Rut, une belle jeune femme dont la carrière de danseuse s'est vite arrêtée à cause d'un avortement qui lui a laissé un problème à la jambe. Alors qu'elle était née pour l'art, Rut est amère et hyperactive.
Le couple rentre en train de luxe, de Bâle à Stockholm. Cela fait beaucoup de temps pour se disputer, d'autant que chacun a un passé. Rut a connu un amant d'âge mûr, Raoul. Bertil est sorti avec une autre danseuse souffrant de graves troubles psychologiques, Viola.
La narration du film repose sur des flashbacks, mais ces derniers ne correspondent pas à une focalisation rigoureuse : si le premier flashback sur l'amour avec Raoul et l'avortement se comprend, le second n'est pas un flashback de l'amour entre Bertil et Viola (qui ne sera jamais montré à l'écran), mais sur l'instabilité de Viola, qui décide de s'affranchir de son psychanalyste, un être manipulateur aux aspects de Mephistophélès, qui prétend jouer le rôle de Dieu auprès de ses patients. Plus que d'un flashback, il s'agit plutôt d'un montage alterné, ce que confirme la dernière scène impliquant Viola.
La vieille prof de danse, tyrannique et affectueuse, avec son béret, semble une incarnation de Bergman (une sorte d'excuse à ses troupes ?). La richesse des personnages a pour pendant celle des dialogues, avec des répliques très vives, marquées par un rythme psychologiquement crédible. Un dialogue de Bergman, c'est de l'acier en fusion. L'enfer que vivent les deux protagonistes trouve une résonance dans les paysages de ruines que traverse le train et la misère des gens qui s'agglutinent aux fenêtres pour mendier dans les gares.
Bon, le film est vieux et la copie a souffert des épreuves du temps. Certaines images d'extérieur du début tremblent, certains extérieurs sont plus sombres qu'ils ne devraient, et le son craque un peu. Il n'en reste pas moins que les jeux d'ombre et de cette fameuse lumière du Nord sont déjà présents. Les images sont belles, mais on n'atteint pas encore le génie dépouillé qui sera celui de "La source" ou "Les fraises sauvages". Le film est assez claustrophobe, l'essentiel se passant en intérieur, peut-être par manque de moyens.
Un bon Bergman, mais où le rythme est assez disjoint.