13 ans après Delivrance John Boorman s'amuse à prendre le contrepied de ce qui restera son chef d'œuvre. Delivrance présentait la forêt comme le lieu de tous les dangers, le repère des consanguins tarés et des barbares ignorant de la civilisation. C'est tout l'inverse dans La Forêt d'Emeraude dans lequel l'homme soi-disant civilisé piétine sans vergogne ni le moindre respect tout l'écosystème qui l'entoure. Tandis que la tribu des Invisibles, qui vit caché dans la jungle amazonienne depuis des siècles, vit en harmonie avec la nature dans un bonheur béat. En ce sens les Invisibles sont clairement idéalisés pour bien faire comprendre au spectateur que notre civilisation c'est le mal. Et là je rejoint la plupart des critiques qui disent que cette opposition nature/civilisation manque de subtilité.
Pourtant j'y ai cru, Boorman m'a vraiment fait aimer, voir même envier le mode de vie des Invisibles qui passent leur temps à se baigner nu dans la rivière, et éventuellement à chasser pour trouver de quoi grailler. Oui, c'est idéalisé on vous dit. De la même façon Boorman dépeint une civilisation répugnante à laquelle j'ai honte de faire partie. Le personnage de Powers Boothe se retrouvera confronté à cette vérité abrupte.
Il est le pur produit du système et un artisan majeur de ses excès. Il l'ingénieur responsable de la construction d'un barrage hydroélectrique au beau milieu de l'Amazonie. Son jeune fils se fait enlever à proximité du chantier par les Invisibles, qui l'élève comme un des leurs. Croyant son fils perdu il abandonne les recherches, mais le retrouve dix ans plus tard. Détruire l'habitat de tribu indigène ne lui posait pas de problème, mais avec son fils dans l'équation ça change tout. Il est en partie l'un des nôtres, mais c'est aussi l'un des leurs. C'est là que le film prend tout son sens. Il ne s'agit pas seulement de l'opposition entre nature et civilisation. Le film questionne également notre rapport à "l'autre". Qu'est-ce qui fait que des Hommes comme nous ne sont pas considéré en tant que tel, et peuvent être sacrifiés sur l'autel du progrès. Je sens que je part un peu loin alors je vais conclure tout de suite.
La Forêt d'Emeraude est une œuvre moralisatrice qui manque de subtilité mais dont le message mérite d'être entendu. Quelques longueurs plombent l'histoire, compensé par la beauté de l'Amazonie magnifié par la caméra de Boorman. Considéré à juste titre comme le meilleur film sur l'écologie, il est à voir absolument.