Un intellectuel paumé parvient en stop dans un drugstore-station service perdu au fin fond de l’Arizona. Lui et la jolie serveuse s’engagent en quelques minutes sur le chemin des rêves, sous le regard haineux du pompiste, et interloqué du grand-père. Mais bientôt un assassin s’y réfugie avec ses trois complices, afin d’y attendre sa bien-aimée, tout en gardant tout le monde au bout du canon, et redoutant le proche débarquement policier.
Un poète en mal de vivre rêvant de finir en s’offrant à l’amour, une jeune artiste romantique en quête d’évasion, son père nostalgique de la Grande Guerre et son grand-père du far-West, Monsieur Muscle le colérique pompiste footballeur, un couple bourgeois dont l’un ne comprenant que le mot bénéfice et son épouse ruminant une vie gâchée par le conformisme, et un impitoyable tueur désabusé mais néanmoins amoureux. Telle est la brochette de grinches qui, sous la tension des fusils et de l’imminente explosion de poudre, se lâchera en diatribes, déclarations enflammées, pamphlets sociétaux, débats philosophiques des plus fondamentaux, accords, rivalités, compromis, mais où l’essentiel des enjeux et complicités demeurent dans les non-dits.
Je suis convaincu que ce petit bijou de 1935, à l’anachronisme insolite et à la violence en avance sur son temps, a servi, entre autres pillages, à Tarentino pour son récent Huit salopards. Ce brillant western en huis-clos, servi par les excellents Leslie Howard, Bette Davis et Humphrey Bogart, à la fois philosophique, romantique et effroyable, fait jongler les staccatos des mitraillettes, l’étouffement et l’enfermement, avec la virtualité des idées d’infini, de liberté et d’amour.