Je l'aime Guillermo. Pas seulement parce qu'il est un excellent réalisateur, aussi parce que ce mec est un véritable artiste dont la vocation première est de raconter des histoires. Que ce soit sous forme de long-métrages (Le Labyrinthe de Pan, Pacific Rim) mais également sous forme de séries live (The Strain) ou animées (Chasseurs de Troll) et même sous forme de livres (la trilogie de La Lignée) ou encore de BD (The Strain, là aussi). Lui ce qu'il veut, c'est raconter des histoires qu'il a écrites et qu'il aime. Il nous les partage par tous les moyens qu'il a à sa disposition. Car Guillermo, c'est avant tout un passionné, un amoureux des contes et des fables. Et cet amour transpire dans chacune de ses œuvres. Voilà pour quoi j'aime Guillermo del Toro.
J'ai beau crié mon admiration pour le bonhomme, je reconnais tout de même que cela ne rend pas pour autant chacune de ses œuvres passionnante et marquante. Cronos et L’Échine du diable sont par exemple fort sympathiques, mais on sent qu'il manquait encore d'expérience lorsqu'il a réalisé ces films. En revanche, on pouvait déjà y déceler son talent, en tant que réalisateur, et également en tant que scénariste. Les histoires de ces deux long-métrages étant plutôt originales et bien écrites.
Avec le temps, Guillermo a gagné en savoir faire. Et désormais, il est au top. Enfin, ses pairs ont reconnu ses qualités en le récompensant à de multiples reprises pour The Shape of Water, dont l'Oscar du meilleur réalisateur et du meilleur film. Des récompenses tout à fait méritées et qui font plaisir, car depuis le temps que notre cher del Toro se bat pour financer ses films, enchaînant parfois les abandons pour faute d'argent, mais continuant à toujours donner plus de passion à ceux qu'il parvient à réaliser, ces trophées viennent comme une forme d'accomplissement.
Certains diront que La forme de l'eau ne mérite pas ces récompenses, qu'il est trop classique, trop formel. En vrai, ces gens n'ont pas tort. Oui, ce film est classique. Oui, ce film est formel. Mais ça ne l'empêche pas d'être très bon. Et c'est justement là tout le brio du cinéaste mexicain. Il parvient à donner beaucoup de personnalité et une vraie ambiance à son film qui le différencie des autres, malgré son côté classique.
Par exemple, les personnages sont certes un peu clichés, surtout le méchant vraiment très méchant. Mais ça ne les empêche pas d'avoir une vraie présence à l'écran et de la contenance. En grande partie grâce au talent des acteurs évidemment, tous étant très bons. Mais également par la réalisation de del Toro et de petits détails, des idées qu'il a eues. La scène où Elisa et Giles dansent des pieds, assis sur leur canapé, est toute simple, elle ne dure pas plus de 2 minutes. Pourtant, rien qu'avec ce petit passage, le cinéaste nous montre la complicité qui lie ces deux personnages et les rend par la même occasion très attachants. Mis à part le grand méchant qui est détestable, tous les personnages sont attachants justement parce qu'ils sont bien écrits, dirigés et joués.
Ce qui est fort aussi dans le cinéma de del Toro, c'est sa manière de mélanger à la fois le monde réel et le fantastique. De jouer avec plein de petites touches magiques et surnaturelles dans un monde très réaliste et calibré. Ce dernier est représenté par les habitudes, le rituel d'Elisa avant d'aller au travail (son réveil, la cuisson de ses œufs, son temps passé dans son bain...). Cette monotonie est cassée par l'arrivée d'un élément extraordinaire : la créature. Et ça, del Toro il le gère très bien. Il prend son temps avant de la faire entrer dans l'histoire et il varie les manières de la représenter. Il la rend à la fois intrigante, merveilleuse, amusante et puissante. Del Toro adore les monstres et il nous transmet cette passion via ses films. Et la créature de ce film est crédible. D'autant plus grâce à la qualité du costume, des maquillages et des effets spéciaux.
Avec The Shape of Water, Guillermo del Toro nous offre une oeuvre forte qui représente tous les aspects de son cinéma. Un cinéma rêveur, effrayant, magique, et surtout toujours honnête et fait avec passion. Les situations sont connues, mais le cinéaste mexicain y apporte sa patte pour nous conter une belle histoire fantastique, accompagnée de la douce mélodie d'Alexandre Desplats.