Ce qui suit contient des spoilers.
Très attiré par le bruit fait autour du petit dernier de Guillermo Del Toro, je m'y suis risqué, sachant que lorsqu'un film est aussi acclamé (13 nominations aux Oscars, Lion d'or) j'en sors souvent déçu. Est-ce le cas ? Oui et non.
Le souci est que j'en attendais d'avantage de Del Toro. Son Labyrinthe de Pan m'avait tellement émerveillé par son univers fantastique et ses monstres que je m'attendais à une surprise similaire. Mais finalement... non. Le film n'innove pas. Dans la forme (de l'eau, hihi) il est très bien réalisé et le film est même bon. Mais dans le fond, c'est du déjà-vu. La créature mi-humaine mi-animale qui permet tout le long du film de questionner notre humanité, ce n'est pas la première fois que nous y sommes confrontés. Toutefois, l'idée que le personnage principal soit une femme muette est un parti pris intéressant. Elle est marginalisée par la société américaine en raison de son handicap, qui prend la forme de cicatrices au cou et ainsi de branchies.
Qu'est ce qui fait de nous des humains ? Rien de mieux que de plonger ses personnages dans la société américaine pour y répondre.
Situé en pleine Guerre froide, le film permet d'opposer les Etats-Unis et les Russes dans un conflit scientifique complètement absurde, et de montrer le véritable visage de la société américaine (dans un bar, dans une chambre ou bien dans un laboratoire fermé). "Nous ne voulons pas apprendre, nous voulons qu'eux n'apprennent pas". Cette phrase résume à la perfection le conflit entre USA et Russie et montre toute son hypocrisie.
Michael Shannon incarne à la perfection l'américain brutal et égocentrique, pour qui une voiture provoque l'orgasme (lorsque sa femme lui propose comme nouvelle voiture une Cadillac tout en lui mettant sa main sur son sein) et l'admiration des autres. "That's America", dit-il dans le film.
Là où le film est également un film à Oscar, c'est pour l'hommage qu'il rend au cinéma. Ce dernier est la projection de notre société, et personne ne se rend au cinéma en-dessous de chez Elisa et Giles, donc personne ne peut voir le vrai visage de l'Amérique. Le seul spectateur qui ne s'endort pas dans la salle... c'est l'amphibien. Lorsqu'on le croit livré à lui-même dans la ville, il se trouve finalement dans une salle de cinéma, regardant fasciné un film sur l'esclavage. Le cinéma permet également à Elisa de retrouver la voix et de chanter avec l'homme qu'elle aime, dans une scène qui m'a semblé kitsch, même si justifiée.
Pour conclure, le film marche très bien dans sa symbolique et il arrive à aborder les thèmes du cinéma, de l'Amérique (homophobie, racisme, réalité du rêve américain, violence cachée dans un lieu clos, lutte des classes sociales), de la Guerre froide, de l'enfance/innoncence opposée à l'adulte et de l'humanité sans trop s'éparpiller. La réalisation est impeccable (et le traitement de la couleur verte impressionnant), le montage inégal (trop rapide ou bien très efficace pour servir le propos du film) et la musique décevante.
The Shape of Water est un film qui exécute très bien son propos mais ce dernier n'est malheureusement pas nouveau.