J'ai beaucoup de sympathie pour Gilles Lellouche et Jean Dujardin. On sent, à travers leurs derniers choix de carrière, une réelle envie de retrouver l'esprit d'un âge d'or du cinéma qui a violemment disparu depuis 3 bonnes décennies en France. Par exemple, Les Infidèles se proclamait le fils spirituel des comédies italiennes 60/70's et des satires de Blier. On peut trouver mille défauts au film, mais il avait le mérite d'amener un vent frais dans l'industrie ronronante du 7ème art français!
Même chacun de leur côté, on peut constater ce virage: les thrillers de Gilles (A bout portant, Gilbratar, l'Enquête) et Dujardin avec ses quelques projets audacieux (OSS 117, Le Bruit des Glaçons, The Artist, le Scorsese...Ouais bon, il recommence par contre à déconner en enchainant ensuite Brice de Nice 2 et un Claude Lelouch).


Pour un peu plus consolider leur duo de cinéma (ils veulent s’inscrire dans la continuité de Ventura/Gabin et Delon/Belmondo, c'est évident), rien de mieux qu'un grand polar ambitieux: ce sera La French, sur la traque du gangster Tany Zampa (Lellouche) par le juge Michel (Dujardin) dans le Marseille des années 70.


Ce qui frappe en premier en regardant le long métrage, c'est la crédibilité totale de l'univers. En France, on est habitué à pester sur l'amateurisme des films de genre actuels, surtout si on les compare aux États-Unis ou même aux voisins proches tels que l'Espagne. Ici, Jimenez esquive heureusement cette critique systématique en proposant une incroyable reconstitution de la cité phocéenne de l'époque et surtout, une mise en scène digne de ce nom! Une réalisation ample, qui s'adapte à presque toutes les situations (du plan symbolique et ultra composé pour les instants lourds de sens à la caméra portée pour les séquences d'immersion etc...), secondée par une photographie magnifiant les paysages méridionaux et rappelant le grain d'image des films 70's (même si peut être un peu trop clinquante).


Néanmoins, La French n'est pas exempt de quelques gros soucis, souvent scénaristiques. Cette histoire vraie est un magnifique matériau de base à une grande fresque mais Jimenez ne fait que la survoler, faisant se succéder (parfois platement) les passages obligés du genre et développant un double arc narratif peu fluide et des personnages-fonctions, clichés, sans réelle profondeur. Ça a pour conséquence un manque terrible d'ampleur dramatique et d’empathie pour les protagonistes!
Faut dire que les références sur lesquelles s'oriente le film sont écrasantes (Michael Mann, Scorsese, Henri Vernueil) et le jeune cinéaste a du mal à imposer sa propre patte, singeant même parfois ses maîtres (le face à face Zampa/Michel, se reportant à celui de De Niro/Pacino dans Heat, est bien foireux).
Assurément, je ne vais pas encore me répéter concernant le jeu habituellement nul des acteurs français mais ici, c'est un peu mieux. Même si Dujardin et Lellouche ont un balai dans le cul, pas très à l'aise dans ces costumes peut être un peu trop grands et intimidants pour eux.


Vu mes réserves, vous vous demandez pourquoi une note si généreuse: Eh ben, c'est plus une note d'encouragement qu'une note qui suit objectivement mes ressentis. Rien que pour l'ambition du projet, pour Dujardin/Lellouche, l'exploitation du mythe marseillais et pour une exigence cinématographique qu'on ne retrouve presque plus dans l'Hexagone, je ne peux qu'être enthousiaste. Surtout que je me suis amusé, on s'ennuie presque pas, c'est terriblement efficace par moments même si tout ce spectacle quelque peu impersonnel ne me marquera sûrement pas!


Je suis assez triste du succès mitigé qu'il s'est tapé: 1,5 million d'entrées pour un gros blockbuster (23 millions d'euros), avec un casting 5 étoiles et une couverture médiatique dantesque; c'est limite un échec je pense! Et ça va encore conforter le CNC au fait d'être réticent à financer des films de genre. Mais bon, Gilles Lellouche a annoncé qu'il se lancera avec son pote dans un projet de "film d'aventure fun et funky", bien la preuve qu'ils ne sont pas prêts à lâcher le vieux flambeau de Yves Boisset ou encore Philippe De Broca qu'ils tentent de raviver.

Wobot
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Un petit hommage au 7ème art français et Périple cinématographique en 2015 (avec commentaires)

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le 13 sept. 2015

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