La jeunesse a pris une ride... [SPOILERS]

La fureur de vivre, c'est le film d'une génération... Mais sans doute pas de la nôtre. On se rend vite compte que le réalisateur l'a envisagé comme un film quasi-documentaire, un film qui voulait simplement capter l'essence des rébellions juvéniles de son époque. Plusieurs conséquences, donc...
Tout d'abord, j'ai été frappé de la façon dont la psychologie des personnages est abordée, l'exemple du pathétique Platon, est, je pense, éclairant. C'est un enfant qui n'a ni père, ni mère, ni amis (dur...), bref, il est ABSOLUMENT tout seul. Pourtant, Nicholas Ray aborde cette histoire terrible de façon très elliptique, voire rapide, si bien que le comportement du personnage nous semble plus erratique qu'autre chose. Ainsi, on se prend à ne pas le pleurer lorsque un agent de police l'abat de sang-froid : on a le sentiment que Platon n'était qu'une sorte de paumé un peu fou, certes attachant, mais finalement peu intéressant, et dont le principal rôle était de servir de faire-valoir à James Dean. Il en va de même pour la plupart des personnages : on a toujours le sentiment de mal les connaître, et on a parfois du mal à s'attacher à eux, à éprouver de l'empathie.
D'autre part, on constate bien vite que le film a vieilli, ou, en tout cas, qu'il ne nous parle plus vraiment. La mise en scène (au sens chorégraphique) porte souvent à sourire, du fait de sa théâtralité excessive ! Si la tension inhérente à la scène de duel au couteau entre Buzz et Jimmy est palpable, elle est partiellement désamorcée par la gestuelle des protagonistes, qui nous rappellera West Side Story. Plus largement, de nombreuses scènes à vocation normalement "sérieuse" prêtent involontairement à sourire, du fait du jeu exagéré et outrancier des acteurs.
Alors, rien de bon dans la fureur de vivre ? Bien entendu que si. Le film parvient magistralement à saisir la détresse d'une jeunesse, perdue dans un monde où les adultes ne parviennent pas à assumer leur rôle. Dans leur quête perpétuelle de figures parentales d'autorité, de cadres structurants permettant l'élaboration de l'individu, les jeunes personnages que nous dépeint le film parviennent malgré tout à nous toucher. Le processus d'identification qui faisait sans doute la force de l’œuvre fonctionne, même si un fossé nous sépare de la génération des "blousons noirs". La qualité principale du film, c'est ainsi de ne jamais tomber dans la caricature : le ton général est définitivement sombre.
Un film à voir, incontestablement, ne serait-ce que pour mieux comprendre une époque souvent caricaturée, une époque que l'on croit souvent connaître.
WinslowLeach
7
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le 1 déc. 2014

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27 j'aime

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