Ce titre de critique fait allusion bien évidemment au titre original, mais aussi au titre d'un ouvrage dont la Warner avait acheté les droits et qu'elle souhaitait adapter en offrant le premier rôle à Marlon Brando ; il traitait de la délinquance juvénile. Mais quand le projet tomba dans les mains de Nick Ray, celui-ci ne voulut pas se plier aux souhaits du studio et ne voulut pas traiter ce sujet, il y avait déjà Graine de violence de Richard Brooks, sorti la même année qui traitait le sujet de front. Ray remania entièrement le scénario en s'écartant du sujet original de l'ouvrage, il se souciait plus de faire un film sur les relations du héros avec ses parents, surtout son père dominé par la mère et qui représentait une figure archaïque dans cette Amérique de modernisation des années 50, ainsi que sur les amours adolescentes.
Ce thème fait un peu songer à Romeo et Juliette, où Ray pouvait exploiter un de ses motifs favoris qui est la difficulté de communication. Le lyrisme de Nick Ray enrobe le film de sa marque, transformant ce qui n'aurait pu être qu'un film à la mode en une sorte de poème fiévreux mais plein de tendresse. Le choix de James Dean a été pour cela capital. Je me rappelle avoir lu dans un bouquin sur Dean un truc où Ray expliquait ce choix : Je n'ai pas choisi Jimmy Dean, nous nous sommes reniflés comme un couple de chats siamois. Je suis allé avec lui à New York, et ainsi j'ai pu voir où il vivait, dans une toute petite pièce envahie de livres. Pendant une semaine, on a joué au basket, on est allés au cinéma, on s'est saoulé avec ses copains. Lorsque le tournage a commencé, nous étions devenus très proches.
Beaucoup plus à l'aise que dans A l'Est d'Eden, James Dean qui a alors 24 ans, personnifie un adolescent auquel il peut s'identifier, et ce rôle de Jim Stark reste encore aujourd'hui le plus iconique de sa brève carrière ; toute une génération s'est reconnue dans cet ado maladroit, épris d'amour et d'amitié, incompris de ses parents, et victime de l'hostilité de camarades d'école ivres d'un certain mal de vivre (à travers le personnage de Buzz joué par Corey Allen). Le trio qu'il forme avec Sal Mineo et Natalie Wood est inoubliable, chacun de ces 3 personnages est indispensable l'un pour l'autre, ils n'ont besoin que de tendresse et d'une amitié durable et forte. Le film contient des scènes archi célèbres comme "la course des dégonflés", la scène du planétarium ou la bagarre au couteau entre Stark et Buzz, mais c'est avant tout un fulgurant mélange de charme mélancolique, de force poétique et de sensibilité dans un monde de brutes insouciantes, au milieu des grosses bagnoles chromées, des hamburgers, du coca-cola et du rock'n'roll, dans une Amérique qui changeait en décrivant le mal-être d'une jeunesse un peu perdue qui exprime sa souffrance par la révolte. A noter aussi l'emploi de la couleur voulu par Ray, qui transcende ce drame humain.
Le destin voulut que Jimmy disparaisse prématurément, il n'assista pas au succès prodigieux du film sorti peu après sa mort, mais sa silhouette en blouson rouge continue de hanter de nombreux cinéphiles.

Ugly

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